Un salarié peut-il engager la société à l’égard des tiers lors de la signature d’un contrat ?

12 mars 2018

La cour de cassation vient de considérer qu’un salarié pouvait le faire quand bien même il n’aurait pas de pouvoir spécifique dès lors que la société a commencé l’exécution du contrat.


La société est nécessairement animée par ses dirigeants, communément désignés par l’expression de « mandataires sociaux ». Dès lors, il appartient en principe aux tiers de vérifier que le signataire est désigné comme tel au regard du Kbis et dispose ainsi du pouvoir de représentation.


Il est impératif de déterminer quel organe dispose du pouvoir de représentation afin que les tiers en relation avec la société puissent s’assurer du pouvoir de l’interlocuteur d’engager la société.


Au sein des sociétés commerciales, les dirigeants détiennent des pouvoirs plus ou moins étendus selon le type de société dans laquelle ils exercent leurs fonctions :


- gérants pour les SNC, SARL et sociétés en commandite ;
- président, administrateurs, directeur général et directeurs généraux délégués pour les SA « monistes » ;
- membres du directoire pour les SA ;
- président pour les SAS. Le cas échéant, les statuts peuvent prévoir d’autres dirigeants investis d'un pouvoir de gestion, d'administration et de direction, comme les directeurs généraux.


En revanche, les membres du conseil de surveillance des SA et SCA ne sont pas des dirigeants sociaux stricto sensu puisque la loi ne les investis que d'un rôle de contrôle des affaires sociales (articles L.225-68, alinéa 1 et L. 226-9 alinéa 1 du Code de commerce).

En principe, l’acte d'un dirigeant n'engage valablement la société que si les conditions suivantes sont réunies :


- le dirigeant doit avoir la qualité de représentant légal de la société ;
- l'acte ne doit pas relever de la compétence légale des associés ;
- l’acte doit, en principe, entrer dans l'objet social ;
- l’acte doit avoir été conclu ou accompli au nom de la société.


Il en résulte que, si une personne autre que le représentant légal conclut une convention au nom de la société, cette convention est nulle.


Dans les sociétés importantes, il est évident que le représentant légal ne peut signer tous les actes, ceux-ci sont donc signés par des salariés de la société.
La validité de la convention signée par un salarié est admise dans les situations suivantes :


- si la personne est titulaire d'une délégation de pouvoirs l'autorisant à signer la convention ;
- s'il s'agit d'un mandataire apparent en qui le cocontractant a pu légitimement croire qu'il avait le pouvoir d'engager la société (article 1156 du Code civil).

Ce dernier point est le plus souvent invoqué puisqu’un directeur de service a vis-à-vis des tiers apparemment le pouvoir de contracter.
Ceci étant, l’article 1182 alinéa 3 du Code civil, issu de la réforme du droit des contrats opérée par l’ordonnance du 10 février 2016, prévoit que « l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation ».
Ce qui, dans la pratique, renforce le principe de l’apparence puisque cela induit qu’une société qui exécute ne pourra ensuite se prévaloir de l’absence de pouvoir de signataire.


A titre d’illustration, il a été jugé que l’acte passé au nom de la société par un salarié n’ayant pas reçu pouvoir pour le faire est valable si la société l’a ratifiée tacitement en commençant à exécuter le contrat (Cass. com. 17 janvier 2018 n°16-22.285 F-D). Dans ce cas, il n’y avait donc pas à rechercher si ce salarié avait reçu pouvoir de la société pour y procéder.


La société ne peut donc soulever cet argument à son bénéfice…


La sécurité et la protection des tiers se trouvent ainsi assurées dans les hypothèses où le sujet de droit, qui ne bénéficie pas de la qualité de dirigeant légal, est malgré tout susceptible d’engager la société dans une opération économique.


Alexandra SIX
Avocat en droit des affaires


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