24 septembre 2018
Pour les sociétés civiles comme pour les sociétés commerciales, le principe est que chaque associé a vocation à percevoir les bénéfices réalisés par la société et contribué aux pertes (article 1832 du Code civil).
En l’absence d’une telle clause statutaires, l’article 1844-1 alinéa 1 du Code civil prévoit que la contribution aux pertes et aux bénéfices de chaque associé s’effectue proportionnellement aux apports. L'apporteur en industrie ayant droit à la même part que l'associé qui a effectué l'apport en nature ou en numéraire le moins important.
Afin d’éviter toute dépossession totale des droits des associés dans le partage des bénéfices ou des pertes, l’article 1844-1 alinéa 2 du Code civil interdit toute « stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l'exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes ». Il s’agit du principe de l’interdiction des clauses dites « léonines ».
Ce texte, en employant le terme de « totalité », interdit qu’un associé s’approprie 100 % des bénéfices ou 100 % des pertes, mais n’exclut cependant pas la possibilité de prévoir des aménagements, appelés « clef de répartition ».
En réalité, de nombreuses clefs de répartition sont appliquées dans les sociétés civiles (notamment les sociétés civiles professionnelles), plus que dans les sociétés de capitaux, et ce, qu’elles soient insérées dans les statuts (I) ou qu’elles résultent d’un acte extra-statutaire (II).
I – La répartition des bénéfices prévue dans les statuts
Un des objectifs de la stipulation d’une clef de répartition dans les statuts de la société permet d’avantager un ou plusieurs associés en raison de leur situation.
Ainsi, il est possible de prévoir, dans les sociétés civiles immobilières familiales par exemple, que les associés ayant apportés plus de la majorité des apports (les parents) ne partageront in fine que la moitié des bénéfices, laissant ainsi une part plus importante pour les autres associés (leurs enfants).
L’objectif peut aussi permettre d’éviter qu’un associé soit lésé par rapport à d’autre, notamment au sein d’une société civile professionnelle.
A ce titre, l’associé contribuant le plus au travail de la société (et donc à son bénéfice) mais n’ayant pas réalisé l’apport le plus important, peut recevoir une part des bénéfices correspondant à la fois à sa part dans le capital social de la société, et à la fois à sa contribution dans le résultat de celle-ci.
Un équilibrage est donc prévu dans les statuts permettant de récompenser équitablement le travail des professionnels associés de la société.
Au sein des sociétés civiles professionnelles, l’insertion d’une clef de répartition dans les statuts est d’autant plus importante que l’article 14 alinéa 3 de loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles (modifiée par la loi n° 72-1151 1972-12-23 du 27 décembre 1972) prévoit : « En l’absence de disposition réglementaire ou de clause statutaire, chaque associé a droit à la même part dans les bénéfices ».
On comprend donc tout l’intérêt de la clef de répartition puisqu’à défaut, les associés ont vocation à percevoir la quote-part des bénéfices correspondant à leur part de détention dans le capital social de la société.
II – La clef de répartition extra-statutaire
Les décisions concernant les droits et les obligations des associés des sociétés ne peuvent être prise sans le consentement de ces derniers.
Si les associés prévoient dans les statuts une clef de répartition, il leur est tout à fait possible de prévoir un partage des bénéfices différent que celui de leur quote-part dans le capital social, et ce, en l’absence de disposition statutaire. La règle est que chaque associé donne son accord.
Le Conseil d’Etat a admis cette pratique depuis longtemps (décision en date du 26 avril 1976,
n° 93212) : la répartition du résultat social de la société civile doit être regardée conformément aux droits de chaque associé. Cette répartition étant « présumée faite conformément au pacte social, sauf dans le cas où un acte ou une convention, passé avant la clôture de l'exercice a pour effet de conférer aux associes des droits dans les bénéfices sociaux différents de ceux qui résulteraient de la seule application du pacte social ».
Le Conseil d’Etat a en outre, précisé davantage cette possibilité dans une décision plus récente en date du 6 octobre 2010 (n° 307969) énonçant qu’une répartition du résultat différente du pacte social ne peut résulter d’une modification purement tacite du pacte social et de la carence des associés à s’y opposer.
Ainsi, il est possible pour les associés de convenir, lors d’une assemblée générale préalable à la clôture de l’exercice comptable, d’une répartition des bénéfices différente de leur quote-part dans le capital de la société.
Au même titre, la Cour de cassation a apporté des précisions concernant la stipulation d’une clef de répartition en dehors des statuts.
Dans un premier arrêt en date du 21 mars 2000 de la première chambre civile (n° 98-14933), la Haute Juridiction considère qu’une telle stipulation doit être regardée comme une modification des statuts.
En conséquence, la fixation d’une clef de répartition inégalitaire doit résulter soit d’une décision prise à la majorité requise pour la modification des statuts lors d’une assemblée générale ; soit d’une consultation écrite ; soit d’un consentement unanime des associés exprimés dans un acte.
Toutefois, une telle décision ne peut résulter d’une pratique habituelle ou d’une absence d’opposition des associés. La première chambre civile rejoint ainsi la position du Conseil d’Etat.
Toutefois, une telle pratique peut être autorisée à condition d’être validée par les associés postérieurement. C’est en ce sens que la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu son arrêt en date du 2 mars 2004.
Alexandra SIX
Avocat associé