Rupture brutale des relations commerciales : précisions sur le caractère constant des relations

20 avril 2018


La Cour d’appel de Paris, aux termes d’un arrêt rendu en date du 21 mars 2018 (n°16-06342) est venue apporter des précisions utiles sur la question de la durée des relations commerciales, lorsque la relation commerciale a été entretenue avec différentes entités juridiques.

L’article L 442-6 I 5e du Code de commerce sanctionne le fait : « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée ».


La durée de la relation commerciale établie est une question centrale, puisque la durée du préavis ou l’indemnisation, en l’absence de préavis ou de préavis insuffisant, est appréciée en fonction de cette durée.


Pour que la relation commerciale soit considérée comme établie, celle-ci doit être constante et continue.


La jurisprudence a longtemps retenu une appréciation élargie de la notion de relations commerciales établies, dans les cas où la relation se poursuit au-delà des parties initiales, notamment :


- lorsque la relation  « s’est poursuivie de façon ininterrompue avec les sociétés qui se sont succédées pour assurer la gestion des centres commerciaux et galeries commerciales du groupe » (Cass Com, 2 novembre 2011, n°10-26656) ; 

- « avec un autre partenaire en exécution d’un nouveau contrat si les parties avaient entendu se situer dans la continuation des relations antérieures » (Cass Com, 25 septembre 2012, n°11-24301).

Dans cet arrêt du 21 mars 2018, la Cour d’appel de Paris se montre assez restrictive, s’agissant du caractère établi et continu de la relation.
En l’espèce, une société de prestations de services informatique victime en 2011 d’une rupture de relations commerciales, qui avait bénéficié d’un préavis de 4 mois, versé à titre indemnitaire, avait agi à l’encontre de l’auteur de la rupture, considérant que ce préavis était insuffisant.


Le prestataire se prévalait de l’existence d’une relation commerciale de 12 ans, en faisant valoir qu’elle était intervenue en mission chez le client, par l’intermédiaire d’un contrat de sous traitance dès 1999, lequel qui avait fait l’objet de renouvellements, puis était intervenue en mission pour une autre société appartenant au même groupe que le client à partir de 2004.


La Cour d’appel de Paris a rejeté les demandes du prestataire, considérant que les relations commerciales n’étaient établies avec l’auteur de la rupture, que sur une durée de 2 ans et 8 mois et que donc la durée du préavis accordée était suffisante.


La Cour d’appel a considéré :


- D’une part s’agissant du contrat de sous traitance, que l’existence d’une relation commerciale avec une société tierce partenaire du client ne permettait pas d’établir l’intention du client de poursuivre la relation initiale nouée avec le partenaire ;

- D’autre part en ce qui concerne la mission pour une société du groupe, il s’agissait de deux personnes morales autonomes, la relation n’a pas à être appréciée de manière globale au niveau du groupe, particulièrement en l’absence de centre de décision unique et de volonté établie de s’inscrire dans une continuité.
Au vu de la position de la Cour d’appel de Paris, lorsque la relation commerciale est marquée par une succession d’entités, l’appréciation doit se faire au cas par cas, sur la base d’un critère particulièrement subjectif, celui de la volonté de s’inscrire dans une poursuite de la relation commerciale antérieure.

En ce sens cet arrêt est à rapprocher de la position adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 5 janvier 2016, n°14-25397), qui retenait comme critère « la volonté des parties de faire reprendre les droits et obligations ».


Cette orientation de la jurisprudence, pourrait être une source d’insécurité juridique mais également de dérives, les sociétés victimes de ruptures brutales de relations commerciales se trouvant privées d’indemnisations, en cas de changements successifs de partenaires, ou lorsque la volonté de reprendre ou de poursuivre les droits et obligations n’est pas suffisamment établie.

Hadrien DEBACKER


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