Révocation du gérant de société civile pour défaut de compte-rendu annuel de gestion

06 décembre 2019

Sauf disposition contraire des statuts, le gérant est révocable par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales.

Les statuts peuvent donc prévoir des règles différentes.

Si la révocation du gérant intervient sans juste motif elle peut donner lieu à des dommages intérêts (art.1851 al.1 du code civil).

Il est fréquent que les statuts déterminent la nature des motifs pouvant justifier la révocation par les associés.

La jurisprudence est abondante en la matière et donne de nombreuses illustrations de la notion de  « justes motifs », comme par ex : le non-respect des dispositions statutaires, la commission d’infractions, la réalisation par le gérant d’actes contraires à l’objet social, la mésentente entre co-gérants de nature à compromettre l’objet social.

A l’inverse une mésentente jugée arbitraire de part la volonté des associés n’est pas un motif justifiant des dommages intérêts.

En tout état de cause, tout associé peut demander en justice la révocation du ou des gérants dès lors qu’il justifie d’une cause légitime (art. 1851 al.2 du code civil).

Cette solution peut s’avérer particulièrement utile si les règles de majorités ne permettent pas d’obtenir la révocation du gérant malgré un comportement qui le justifierait. Il est en effet fréquent que lors de la constitution des statuts le gérant conserve la majorité et se trouve dès lors irrévocable par décision d'associés.

Il convient donc de recourir au juge pour tenter d'obtenir la révocation.

Cette cause légitime doit en réalité s’apprécier au regard principalement de l’intérêt de l’entreprise et pas nécessairement de celui des associés. La notion ne se confond pas avec nécessairement avec celle de justes motifs même si la distinction peut s’avérer ténue.

Le non-respect des obligations légales est une cause considérée comme légitime comme vient de le rappeler la Cour suprême.

Dans une SCI familiale composée des deux époux et de leurs enfants ; l’ex épouse sollicitait la révocation du mari gérant pour cause légitime dans la mesure où il n’avait pas rendu compte de sa gestion aux associés annuellement.

Le Tribunal et la cour d’appel avaient rejeté cette demande en considérant que le contexte familial justifiait que cette obligation ne soit pas remplie. Ce d’autant que les associés n’avaient pas fait la demande de communication de ce compte-rendu annuel. Le gérant soulevait également que ses enfants et son ex-femme ne s’étaient jamais intéressé à la gestion et lui laissaient entièrement conduire les affaires sociales.

La Cour de cassation dans une décision du 23.10.2019 (17-31.653) contredit la Cour et infirme sa décision. Elle considère que le compte rendu de gestion annuel s’impose au gérant et que le contexte familial n’exclut pas cette obligation légale quel que soit l'usage des associés et leur manque d'intérêt pour la société.

Cette décision sévère pour le gérant est importante puisqu’il est fréquent dans les SCI dites familiales d’appliquer une certaine souplesse de sorte que bien souvent les assemblées générales annuelles ne sont pas tenues et le gérant ne rend pas compte de manière écrite de la gestion ; les associés étant en relation de confiance ces contraintes formalistes sont bien souvent éludées.

Pourtant dès qu’un conflit apparaît entre associés, les dispositions légales deviennent essentielles et reprennent leur plein effet…et ils sont fréquents dansles sociétés familiales !
Alexandra SIX
Avocat droit des affaires
Conflits d'associés 


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