03 juillet 2018
La chambre commerciale de la haute juridiction retient que la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation préalable s’applique, en dépit du silence sur les conditions de sa mise en oeuvre, en cas de demande reconventionnelle dès lors que cette dernière se fonde sur la convention contenant ladite clause.
En l’espèce, un contrat de cession est conclu entre deux sociétés exerçant une activité de commissionnaire de transport. Par une convention de prestation de services, la société cédante s’est ensuite engagée à mettre des locaux à la disposition de la société cessionnaire en contrepartie d’une rémunération.
Invoquant des réticences dolosives, l’acquéreur demande l’annulation de la cession.
Par suite, la société cédante demande reconventionnellement le paiement d’une indemnité d’occupation en exécution de la convention de prestation de services.
L’acquéreur soulève alors l’irrecevabilité de la demande pour inobservation de la clause de conciliation préalable stipulée dans ladite convention de prestation de services.
Les juges du fond déclarent cette demande irrecevable.
L’article 6 de la convention de prestation prévoyait en effet qu’ : « en cas de litige, les parties s'engagent à trouver un accord amiable avec l'arbitrage de la Fedimag » et que, « à défaut d'accord amiable, compétence est attribuée au tribunal de commerce (…) nonobstant pluralité des parties ».
La société cédante, forme un pourvoi en cassation et conteste plusieurs points ; notamment la stipulation contractuelle instituant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières tenant à sa mise en oeuvre, qui ne pouvait selon elle constituer une procédure de conciliation obligatoire, dont le non-respect caractériserait une fin de non-recevoir, et que ladite clause ne pouvait s’opposer à la recevabilité d’une demande reconventionnelle lorsque cette demande se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant.
La haute juridiction retient alors que le contrat de prestation de services, qui fondait la demande reconventionnelle, contenait, à la différence du contrat de cession faisant l’objet de la demande principale, une clause de conciliation préalable, de sorte que la demande reconventionnelle devait être précédée d’une tentative de conciliation, laquelle ne pouvait être régularisée en cours d’instance (Cass., ch. mixte, 12 déc. 2014).
Concernant le premier point contesté, bien qu’une telle clause soit licite et sanctionnée d’une fin de non-recevoir en cas de non-respect (Cass. ch. mixte 14 février 2003), la Cour de cassation, et plus spécifiquement sa chambre commerciale, avait subordonné sa licéité à la précision des conditions de mise en oeuvre, de telle manière qu’une demande introduite en méconnaissance du préalable prévu ne peut donner lieu à une fin de non-recevoir si la clause n’était pas précise (Cass. com. 29 avril 2014 n° 12-27.004).
La société cédante se prévalait alors de cette jurisprudence afin que sa demande soit déclarée recevable.
Néanmoins, pour la chambre commerciale, la clause litigieuse mettait bien en place une procédure de conciliation.
La haute juridiction, assouplissant de ce fait les conditions d’application, confirme la position de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation qui avait déjà auparavant admis l’efficacité d’une telle clause, peu important que cette dernière n’était pas précise quant à ses conditions de mise en oeuvre (Civ. 3e, 16 nov. 2017, n° 16-24.642).
Concernant le second point contesté, la société cédante faisait valoir également qu’une clause de conciliation préalable ne pouvait pas s’appliquer à une demande reconventionnelle en s’appuyant sur un arrêt récent rendu par la chambre commerciale selon lequel, la fin de non-recevoir ne peut pas être opposée à la recevabilité des moyens ou des conclusions reconventionnelles présentés en défense par l'autre partie dès lors que le juge est saisi, sauf stipulation contraire ( Com. 24 mai 2017, n° 15-25.457 ).
Néanmoins, la situation était ici différente : la demande principale formulée tendait à l'annulation de la cession alors que la seconde, demande reconventionnelle, tendait à faire exécuter le contrat de prestation de services.
In fine, cette décision permet de rappeler qu’en matière de clause de règlement amiable, la recevabilité de la demande initiale ne couvre pas toujours celle de la demande reconventionnelle, même s’il existe entre les deux un lien suffisant.
Il convient donc de porter une grande attention sur la détermination du fondement d’une telle demande au risque de voir cette dernière déclarée irrecevable. Le contenu de la convention sur le fondement de laquelle repose la demande primant alors sur la nature de la demande.
Alexandra SIX
Avocat en droit des affaires
Christopher TANGHE, stagiaire