LA COUR DE CASSATION REQUALIFIE LE LIEN UNISSANT LES CHAUFFEURS A UBER EN CONTRAT DE TRAVAIL

05 mars 2020


La Cour Suprême a, pour la première fois aux termes d’un arrêt du 4 mars 2020, tranché la question du statut des chauffeurs Uber, reconnaissant la qualité de salarié de ces derniers.

Elle renverse ainsi la présomption de non-salariat des travailleurs indépendants.

Il doit être rappelé que le lien de subordination, critère essentiel du contrat de travail, se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. ( Soc 13 novembre 1996 n° 94-13.187 )

Un chauffeur UBER est il soumis à ce lien de subordination.

La réponse de la Cour était pressentie au regard des récentes décisions rendues au profit des travailleurs indépendants des plates-formes, qui ont régulièrement été requalifiés comme salariés. ( notamment Soc 28 novembre 2018 n° 17-20.079 )

De nouveau, la Cour suprême rappelle que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination donnée par elles à leur contrat, mais uniquement des conditions de fait dans lesquelles était exercée l'activité des travailleurs.

Aux termes de l’arrêt du 4 mars 2020, il est rappelé que :

- Le chauffeur UBER est contraint de s’inscrire au registre des métiers pour devenir partenaire de la Société UBER BV et de son application, intégrant ainsi un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par la société UBER BV,

- Le chauffeur UBER ne peut constituer aucune clientèle propre, il ne peut davantage fixer librement ses tarifs ni même les conditions d’exercice de sa prestation de transport, lesquelles sont entièrement régis par la société UBER BV,

- Le fait de choisir librement ses horaires de travail, ses jours et heures de travail n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors que lorsqu’un chauffeur se connecte à la plateforme UBER, il intègre un service organisé exclusivement par la société UBER BV,

- Les tarifs sont contractuellement fixés au moyen des algorithmes de la plateforme UBER par un mécanisme prédictif, imposant au chauffeur un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix, puisque le contrat prévoit une possibilité d’ajustement par UBER du tarif, notamment si le chauffeur a choisi un "itinéraire inefficace",

- L’application UBER exerce un contrôle en matière d’acceptation des courses,

- La Société UBER BV dispose d’un pouvoir de sanction à partir de trois refus de courses et également si le chauffeur a choisi un "itinéraire inefficace",

La Cour de cassation estime donc que le statut de travailleur indépendant est fictif et que la société UBER BV est bien l’employeur de ses chauffeurs, pour leur adresser des directives, en contrôler l’exécution et exercer un pouvoir de sanction.

Révolution pour certains ou régression pour le principal intéressé, cette jurisprudence, publiée au bulletin, va assurément bouleverser le paysage de l’UBERISATION en générant des coûts et contraintes qu’il sera délicat d’absorber…et dont les clients seront les premiers à régler le prix ! 


Julie PENET

Avocat droit social


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