02 janvier 2018
La Cour de Cassation dans une décision rendue en date du 15 novembre 2017 vient de décider qu'elle est réputée non écrit, de manière définitive !
Rappelons tout d’abord brièvement le régime juridique applicable à la clause de solidarité dans un bail commercial.
Dans le cadre des rapports entre le bailleur et le cédant d’un bail commercial, il est régulièrement stipulé une clause de garantie solidaire.
Elle a pour effet d’engager selon les conditions de la clause de solidarité stipulée entre les deux parties au bail, le cédant solidairement avec le cessionnaire du droit au bail au paiement des loyers et parfois à d’autres obligations liées à l’exécution du contrat du bail cédé.
Cette clause de garantie solidaire présente un intérêt évident pour le bailleur puisqu’en cas de cession du bail des locaux dont il est le propriétaire et/ou le bailleur, cette clause renforce sa faculté d’être payé en cas de carence du cessionnaire, c’est-à-dire de son nouveau locataire.
Ainsi, hors toute période de procédure collective, pour toutes les cessions intervenues avant le 20 juin 2014 (loi Pinel), cession de droit au bail ou de fonds de commerce ou de fonds artisanal, le cédant reste débiteur solidaire des obligations (dans la limite des conditions) du bail inexécuté par le cessionnaire pendant toute la durée du bail cédé qui reste à courir.
Et ce en principe, jusqu’à ce que le bail prenne fin par l’effet d’un congé du bailleur ou d’une résiliation du bail.
La demande de renouvellement du locataire peut sous certaines conditions produire les mêmes effets, il faudra alors être vigilent dans sa rédaction.
Pour celles des cessions intervenues à partir du 20 juin 2014, de par l’effet de la loi Pinel, l’article L. 145-16-2 du Code de commerce dispose depuis alors que le bailleur ne peut invoquer la clause que durant les trois années à compter de la date de cession du bail commercial.
La loi Pinel a permis aux parties de pouvoir toutefois y déroger, la jurisprudence viendra certainement conférer à cette disposition un caractère obligatoire auquel les parties ne pourront déroger.
En outre, le bailleur est également tenu d’une obligation d’information du cédant (garant au titre de la clause de solidarité) en cas de défaillance du cessionnaire afin d’éviter tout abus ou tout dérive et de profiter de l’effet d’aubaine de cette clause de solidarité en ayant laissé filer la dette du cessionnaire à son endroit.
L’article L. 145-16-1 du Code de commerce dispose qu’en présence d’une clause de solidarité dans le bail cédé, le bailleur doit informer le cédant de tout défaut de paiement du cessionnaire dans un délai d’un mois à compter de la date d’échéance de l’obligation du bail non respectée par le cessionnaire.
La jurisprudence condamnera sans doute le bailleur qui aura été négligent dans le respect de ce droit à l’information à l’endroit du cédant en déclarant irrecevable une demande totalement ou partiellement, et ceci ne serait après tout que bonne justice!
Il faut également souligner que d’interprétation stricte, le bailleur ne peut demander plus que la clause de solidarité ne le stipule aux termes de ses conditions.
Comme tout clause de garantie, elle demeure d’interprétation stricte, donc il convient d’être rigoureux dans a rédaction. Ainsi, à défaut d’avoir prévu les réparations locatives, seuls les loyers impayés seront couverts par la clause les visant expressément.
Dans le temps, la clause de solidarité demeure valable en cas de poursuite du bail par tacite prolongation au-delà du terme contractuel.
En revanche, la clause de solidarité prend fin en cas de congé donné par le bailleur au cessionnaire ou à l’expiration du bail au cours duquel la clause a été insérée.
Il faudra être vigilant en cas de renouvellement du bail à son terme !
En cas de cession du bail en cours de procédure collective du locataire tenant du droit de bail et cédant, la clause de solidarité du bail est réputée non écrite aux termes de l’article L 641-12 al 5 du Code de Commerce.
Mais la portée de cette disposition a été encadrée par la jurisprudence.
En effet, elle ne profite qu’au locataire cédant sous le coup d’une procédure collective, de sorte qu’elle retrouve son plein effet au profit du bailleur qui pourra l’invoquer en cas de nouvelle cession du bail contenant une clause de solidarité, intervenue après le terme de la procédure collective.
Le bailleur qui a perdu la faculté d’invoquer la clause de solidarité du bail commercial et de poursuivre le cédant, qui a cédé son bail alors qu’il était sous le régime d’une procédure collective, dont le régime juridique se substitue à celui de droit commun, recouvre donc cette faculté en cas de nouvelle cession sur le locataire qui a succédé à celui frappé par une procédure collective devenu cédant et étant in bonis.
Le cessionnaire du locataire cédant sous le coup d’une procédure de sauvegarde, de de redressement ou de liquidation judiciaire qui cèdera le bail à son tour sera tenu aux termes de la clause de solidarité avec son cessionnaire :
L’article L642-12 al 5 du Code de commerce ne profite qu’au locataire cédant placé en procédure collective et la clause de solidarité du bail retrouve son plein effet en cas de nouvelle cession du bail dans le cadre du régime de droit commun rappelé ci avant.
On ne peut mettre à la charge d’un locataire cédant déjà en difficulté l’éventuel passif nouveau (post jugement ouvrant une procédure collective) d’un locataire qui lui succéderait.
C’est la raison pour laquelle la clause de solidarité est neutralisée en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
Quant à sa portée, elle est forcément limitée puisqu’ elle ne s’applique pas aux obligations du bail non exécutées par le locataire cédant avant la date de cession du bail.
Arnaud BOIX