L’ouverture d’une procédure collective marque-t-elle la fin du bail commercial ?

08 juin 2017

L’ouverture d’une procédure collective est source de nombreuses interrogations concernant la continuation ou la résiliation du contrat de bail commercial. Dans quels cas le contrat de bail peut-il être résilié et qui dispose de cette action ?

De principe, l’article L145-45 du Code de Commerce prévoit que l’ouverture d’une procédure collective n’entraîne pas la résiliation de plein droit du contrat de bail.

De ce fait, il existe donc une pluralité de cas à étudier selon lesquels le sort du bail divergera.

I. Si le locataire a exécuté l’intégralité de ses obligations contractuelles

Dans ce cas de figure, le sort du bail ne doit pas être remis en question par le bailleur qui ne pourra pas obtenir la résiliation du contrat de bail commercial.

II. Si le locataire n’a pas exécuté l’intégralité de ses obligations contractuelles (défaut de paiement des loyers…) et que ses manquements sont antérieurs à l’ouverture de la procédure collective

Pour mémoire, l’interdiction du paiement de créances antérieures au jugement d’ouverture est prévue à l’article L 622-7 du Code de commerce. Si ces créances sont payées alors tout intéressé pourra en demander la nullité absolue dans un délai de trois ans à compter de la date du paiement.  Le bailleur devra déclarer sa créance au mandataire judiciaire dans un délai de deux mois à partir de la publication du jugement d’ouverture au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC).

Cependant, ce principe d’interdiction des créances antérieures se voit limité dans deux cas de figure :
- En cas de paiements de créances connexes si les dettes sont issues du même lien contractuel ;
- Si le Juge-Commissaire autorise le paiement de ces créances car il l’estime nécessaire pour la poursuite de l’activité de l’entreprise.

L’article L 622-21 du Code de commerce pose le principe de l’arrêt des poursuites individuelles à l’égard du débiteur dès lors qu’une procédure collective a été ouverte. Ainsi, deux actions sont interdites pour le bailleur dans le cas où le locataire a manqué à ses manquements contractuels antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective. 

Ainsi, si l’action du bailleur a pour objet le paiement de loyers non payés ou la résiliation du contrat alors elles seront soumises à l’arrêt des poursuites individuelles. La créance étant considérée comme antérieure au jugement d’ouverture, le bailleur disposera d’un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC pour la déclarer au mandataire judiciaire.

Néanmoins, si l’action du bailleur n’a pas pour but le paiement d’une somme d’argent alors son action ne sera pas soumise à l’arrêt des poursuites individuelles. Cela sera le cas si par exemple la demande du bailleur concerne l’inexécution fautive du contrat de bail ou le non-respect de la clause de destination contractuelle.

III.  L’administrateur judiciaire ou le mandataire judicaire et le locataire

Le contrat de bail bénéficie du régime des contrats en cours et à ce titre l’administrateur judiciaire devra opter pour sa continuation ou sa résiliation.  La défaillance du débiteur principal (le locataire)  peut être autre que celle relative aux loyers et concerner par exemple le défaut d’entretien du local.

Si l’administrateur souhaite continuer le contrat de bail car il l’estime nécessaire à la continuation de l’activité, alors le créancier ne pourra plus demander le paiement des loyers à échoir si les sûretés qui lui avaient été consenties dans le bail sont maintenues ou lorsque les sûretés qui lui ont été fournies après le jugement d’ouverture sont suffisantes.

L’article L 622-14 1° prévoit que l’administrateur judiciaire peut résilier à tout moment le contrat de bail. Le bailleur pourra demander des dommages et intérêts et devra déclarer sa créance au mandataire judiciaire. Le créancier disposera également d’un privilège pour l’année en cours garantissant toutes les sommes qui lui sont dues en exécution du contrat ainsi que pour les dommages et intérêts afférents. Dans ce cas, la résiliation prend effet le jour de la demande par l’administrateur judiciaire.

Cependant, si l’administrateur judiciaire ne se prononce pas sur le sort du bail, l’article L 622-13 lui permet de le mettre en demeure pour que l’administrateur judiciaire prenne parti sur le sort du bail. Si la mise en demeure reste infructueuse pendant plus d’un mois alors le bail emporte résiliation de plein droit. Le juge-judiciaire pourra impartir un délai plus court ou au contraire le prolonger d’un mois maximum. En l’absence d’administrateur intervenant dans la procédure collective, le créancier aura la faculté d’interroger le débiteur par lettre recommandée et d’envoyer une copie au mandataire judiciaire. Si le débiteur ne répond pas dans un délai de quinze jours, le créancier pourra saisir le juge commissaire.

De plus, le débiteur principal, le locataire, dispose, tout seul (hérité de l’administrateur judicaire en cas d’absence dans la procédure), de la faculté de résilier le contrat de bail.

En effet, l’article L 627-2 du Code de commerce prévoit que « le débiteur exerce, après avis conforme du mandataire judiciaire, la faculté ouverte à l’administrateur de poursuivre des contrats en cours et de demander la résiliation du bail en application des articles L 622-13 et L 622-14. En cas de désaccord, le juge-commissaire est saisi par tout intéressé ».

IV. Si la défaillance du débiteur intervient après le jugement d’ouverture

En vertu de l’article L 622-14, l’administrateur judiciaire devra dans ce cas de figure également opter pour la continuation ou la résiliation du contrat de bail.

Si l’administrateur décide de continuer le contrat de bail alors les loyers postérieurs au jugement d’ouverture seront en principe payés à leur échéance. Dans le cas où il choisit de résilier le contrat, l’inexécution du contrat pourra donner lieu à des dommages et intérêts pour le bailleur.

De plus, l’article L 622-14 prévoit également que le bailleur puisse demander la résiliation du bail ou faire constater la résiliation de plein droit pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture. Le bailleur disposera d’un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture pour mener cette action. Néanmoins, si le débiteur paie les sommes dues avant l’expiration de ce délai, alors il n’y aura pas lieu de faire résilier le contrat de bail.


V. L’inefficacité de la clause résolutoire du bail pour non-paiement des loyers et charges antérieurs en cas d’ouverture d’une procédure collective.

La clause résolutoire en cas de non-paiement des loyers et charges est réputée inefficace en cas d’ouverture d’une procédure collective.

En effet, sera réputée non-écrite toute clause prévoyant la résiliation du bail en cas d’ouverture d’une procédure collective.  Cette clause permet après un commandement resté infructueux pendant un délai d’un mois, de saisir le juge des référés pour faire valoir la résolution de plein droit du bail commercial.

Elle ne pourra plus produire ses effets à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective. Le bailleur ne pourra donc pas s’en prévaloir que ce soit pour des créances antérieures ou postérieures au jugement d’ouverture.

De nombreuses options existent, toutes encadrées par les textes en vigueur, pour toutes les parties à - et dans- la procédure collective…..

Arnaud Boix

 


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