Droit des entreprises et du dirigeant : La caution du dirigeant ne doit pas être disproportionnée

20 avril 2015

La caution du dirigeant ne doit pas être disproportionnée

Le dirigeant est systématiquement amené à se porter caution au titre des prêts de sa société : il s'engage donc envers le créancier (généralement le banquier) à remplir l'obligation du débiteur principal (la société créée ou reprise), pour le cas où celui-ci n'y aurait pas lui-même satisfait.

Bien que le dirigeant  soit quasi systématiquement considéré comme une personne avertie, il n’en reste pas moins que le banquier doit s’assurer que cet engagement impose une exigence de proportionnalité entre la dette du débiteur principal et les revenus et patrimoine de la caution.

A défaut, la caution peut être déliée de son engagement !

L’article L341-4 du code de la consommation dispose que ainsi que « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

Comment s’apprécie le caractère manifestement disproportionné d’un cautionnement ?

Deux conditions sont réunies : la disproportion de l'engagement de la caution par rapport à ses revenus et ses biens au moment de son engagement d'une part, et d'autre part l'insuffisance de son patrimoine lorsqu'elle est recherchée par le créancier.

S’agissant de la date d’appréciation, la jurisprudence considère que la disproportion s’apprécie, pour chaque caution, à la date de formation de l’acte de cautionnement.   

Cependant, si la date d’appréciation du caractère manifestement disproportionné du cautionnement ne pose pas problème, il en va différemment des revenus et biens à prendre en considération.

 Autrement dit, il s’agit de savoir si le caractère disproportionné du cautionnement s’apprécie au regard des seuls revenus et biens de la caution ou s’il faut tenir compte également des dettes y compris celles résultant d’engagement de caution.

Dans un arrêt du 15 janvier 2015, la 1ere chambre civile de la Cour de Cassation, suivant  la chambre commerciale (Cass. com. 22 mai 2013, n° 11-24812) apporte des précisions importantes sur cette question.

Cette décision rappelle que la disproportion de l'engagement de la caution, personne physique, telle que prévue par l'article L. 341-4 du code de la consommation, doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'autres engagements de caution, et qu'une cour d'appel a tort de les écarter des éléments d'appréciation au motif que les différents engagements de caution n’apparaissaient pas manifestement disproportionnés avec les biens et revenus de la caution au moment de leur conclusion.

En l’espèce, il s’agissait d’un gérant d’une SARL qui avait cautionné quatre prêts consentis par une banque au nom de la société.

Assigné en paiement des sommes couvertes, il se prévaut de l’article L. 341-4 du code de la consommation.

Les juges du fond avaient considéré qu'il n'y avait pas disproportion en rapprochant le montant de chaque engagement de caution de sa situation patrimoniale telle qu’elle résultait de ses actifs et revenus à la date considérée.

La première chambre civile de la Cour de cassation casse cette décision en considérant que : «  la disproportion doit être appréciée au regard de l'endettement global de la caution, y compris celui résultant d'engagements de caution ».

Selon la Cour il aurait fallu tenir compte de l'endettement cumulé que représentaient, à la date de chaque nouveau cautionnement, ceux qui avait été précédemment consentis.

Juridiquement l’engagement de caution doit donc être analysé comme une dette, faisant partie du patrimoine global permettant d’apprécier le caractère disproportionné de la caution donnée par le dirigeant ; ce qui parait somme toute assez logique mais les juges du fond avaient tendance à restreindre la protection des dirigeants.

S’agissant de la caution avertie, la Cour suprême rappelle qu’il importe peu que le gérant soit une personne avertie, ayant connaissance de la situation économique de l’entreprise qu’il dirigeait au moment de la souscription des divers engagements et de ses possibilités d’évolution.

Il faudra désormais tenir compte de cet élément, en sus de ceux classiquement retenus, pour vérifier si la caution du dirigeant peut être effectivement actionnée.

Alexandra SIX, Avocat Associé au Barreau de Paris, droit des affaires, et Noémie MASSON, Avocat collaborateur à Lille


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