Droit des affaires : la rupture du contrat d’agent commercial et l’indemnité de fin de contrat

03 juillet 2017


Droit des affaires : la rupture du contrat d’agent commercial et l’indemnité de fin de contrat.

La question de l’indemnité de fin de contrat pour l’agent commercial est centrale pour les sociétés mandantes. En effet, l’article L 134-12 du Code de commerce prévoit que ces dernières doivent lui verser une indemnité de fin de contrat qui est souvent fixée souverainement par les juges sur la base de deux ans de commissions. Néanmoins, même si par principe les sociétés mandantes sont tenues de payer cette indemnité, il existe trois cas de figure où elle ne sera pas due.

Ces exceptions sont prévues à l’article L 134-13 du Code de commerce :

• si l’agent a commis une faute grave qui a provoqué la cessation du contrat
• si la cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent (sauf exceptions que nous étudierons plus loin)
• s’il y a eu un accord avec le mandant : l’agent cède alors à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence.

Cette question peut être scindée en deux parties afin de mieux l’appréhender :

• La rupture du contrat à l’initiative du mandant (I)
• La rupture du contrat à l’initiative de l’agent commercial (II)

I. La rupture du contrat à l’initiative du mandant

Les sociétés mandantes ne peuvent échapper, en principe, au versement de l’indemnité de fin de contrat de l’agent commercial sauf en prouvant la faute grave de celui-ci.

Plusieurs décisions de la Cour de cassation ont admis, que seuls les juges du fond pouvaient apprécier souverainement la gravité de la faute (arrêt du 11 décembre 2001, n°98-17.921).

La faute grave est souvent retenue pour des situations très différentes. Elle a été définie par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 15 octobre 2002 (arrêt n°00-18.122) comme une faute « portant atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rendant impossible le maintien du lien contractuel ».

Récemment, dans un arrêt du 15 mars 2017 (arrêt n°15-20.577), la chambre commerciale de la Cour de cassation a par exemple jugé que des négligences répétées d’un agent ayant contribué à dégrader l’image du mandant caractérisent une faute grave. La cour d’appel n’avait pas à rechercher «  si la rupture présentait un caractère disproportionné au regard de la perte de chiffre d’affaires qui serait résulté des faits retenus » pour caractériser la faute grave de l’agent. En effet, les négligences à répétition et le comportement de l’agent portaient atteinte « à la finalité commune du mandat d’intérêt commun » et justifiaient que le contrat soit rompu pour faute grave et qu’aucune indemnisation ne lui soit allouée.

Elle a pu également considéré que constitue une faute grave : la vente de produits concurrents du mandant (Cass Com, 29 mars 2017, n°15-26.476). Dans cet arrêt, la Cour de cassation a estimé que l’agent commercial avait commis une faute grave car il représentait deux sociétés concurrentes sans avoir demandé l’autorisation de la première société mandante. En effet, l’article L 134-3 du Code de commerce dispose « l’agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants. Toutefois, il ne peut accepter la représentation d’une entreprise concurrente de celle de l’un de ses mandants sans accord de ce dernier ». De ce fait, le comportement de l’agent était constitutif d’une faute grave qui justifié la cessation de son contrat, ce qui ne lui ouvrait nullement droit à une indemnité.

II. La rupture du contrat à l’initiative de l’agent commercial

En principe, lorsque l’agent commercial est à l’origine de la rupture du contrat il ne pourra pas demander une indemnité de fin de contrat (L 134-13 du Code de commerce) sauf si la rupture intervient du fait de « circonstances imputables au mandant » ou si la rupture est due « à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial ».

Ainsi, l’agent commercial ne pourra prétendre à une indemnité de fin de contrat s’il décide unilatéralement de mettre fin à son contrat sans y avoir été contraint par le comportement de son mandant. La décision de l’agent équivaut dans cette hypothèse à la démission du salarié.

La fin du contrat peut être imputable au mandant lorsque les fautes du mandant justifient la résiliation du contrat : arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 15 mars 2017 (n°15-26.706). Dans cet arrêt, la Cour a jugé que l’obligation du mandant de payer les commissions dues à l’agent commercial constitue l’une des obligations essentielles du mandant. La violation justifie la cessation du contrat et empêche de pouvoir prétendre à une indemnité de fin de contrat. En effet, selon la Cour de Cassation : « le paiement des commissions à bonne date constitue une obligation essentielle à la charge du mandant, lequel ne peut s’en exonérer au prétexte de l’inaction de l’agent face à une situation qui lui a été imposée ». En effet, conformément à l’ancien article 1147 du Code civil, le débiteur d’une obligation ne peut s’en exonérer que s’il justifie que son « inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée », c’est-à-dire un évènement qui soit imprévisible, irrésistible et extérieur.

Concernant l’âge du mandant, ce n’est pas parce que l’agent commercial atteint l’âge légal de la retraite que l’agent pourra pour autant démissionner et obtenir une indemnité de fin de contrat. Par exemple, la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 23 juin 2015 (arrêt n°14-14856) a considéré que même si l’âge de l’agent était supérieur à 60 ans, « ce qui constitue le terme normal pour cesser l’activité professionnelle d’agent commercial », l’agent devait démontrer que cet âge ne lui permettait plus d’exiger raisonnablement de lui la poursuite de son activité. A défaut, s’il rompt le contrat, aucune indemnité ne lui est due.

En conclusion, que la rupture émane de la société ou de l’agent commercial, il est conseillé à la société de vérifier, avant de prendre position, si les circonstances dans lesquelles elle est intervenue impliquent ou non le versement de l’indemnité compensatoire de fin de contrat. Les apparences peuvent être trompeuses …

Magalie BORGNE Avocat en droit des affaires et droit des successions
Cabinet ELOQUENCE


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