14 septembre 2015
Un dirigeant de société est quasi systématiquement amené, à la demande d'un créancier (banque, fournisseur, bailleur…), à garantir par sa caution personnelle des dettes contractées par la société.
Le cautionnement souscrit par le dirigeant en garantie des dettes de la société qu’il dirige l’engage à titre personnel, de sorte qu’il peut être appelé à payer personnellement les dettes de celle-ci en cas de défaillance.
Cet acte important n’est pas sans risque, quelques principes simples à avoir en tête avant de signer.
Nature juridique
Le cautionnement souscrit par un dirigeant de société revêt généralement un caractère commercial.
Une telle solution s’explique par le fait que la jurisprudence considère un cautionnement comme commercial dès lors que la caution a un intérêt patrimonial personnel dans l’opération qu’elle garantit, ce qui semble être le cas pour la plupart des dirigeants dont l’engagement est souvent motivé par l’obtention de financements nécessaires à l’activité ou au développement de la société.
Le caractère commercial du cautionnement emporte diverses conséquences :
-compétence du tribunal de commerce : bien que le dirigeant ne soit pas un commerçant, le créancier pourra invoquer notamment la compétence du tribunal de commerce,
-solidarité entre le dirigeant et la société pour le paiement des dettes cautionnées, de sorte qu’à l’échéance le créancier pourra demander le paiement indifféremment à la société (le débiteur principal) ou au dirigeant (la caution). (Cass. Com., 28 avril 1966).
-possibilité de prévoir dans l’acte de cautionnement une clause d’arbitrage.
Cette qualification d’acte de commerce emporte d’autre conséquence : les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens.
De même lorsque le cautionnement relève de la compétence des tribunaux de commerce, tel que le cautionnement souscrit par des garants professionnels (établissement de crédit, assureurs...), il est soumis à la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, alors que le cautionnement de particuliers est, en cassation, soumis à la Première Chambre Civile, dont la jurisprudence est parfois plus favorable aux cautions.
Bien que non commerçant, le dirigeant de société qui souscrit un cautionnement commercial se verra opposer principalement les règles du code de commerce.
Conditions de validité du cautionnement
La validité du cautionnement ne peut être remise en cause dès lors qu’il est conforme aux règles de droit commun, à savoir, librement consenti et exempt de vices.
Ainsi, le consentement du dirigeant à garantir les dettes sociales ne doit pas avoir été donné à la suite d’une erreur, d’un dol ou d’une violence (C.civ. article 1109).
En outre, le code de la consommation impose des mentions obligatoires à peine de nullité du cautionnement (article L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation modifié par la loi du 1er Août 2003).
Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution à l’égard d’un créancier professionnel doit, à peine de nullité faire précéder sa signature d’une formule manuscrite, édictée par l’article L 341-2 du code de la consommation.
Le cautionnement donné par acte sous seing privé contresigné par avocat ou par acte notarié échappe à ce formalisme.
La caution doit être proportionnelle
La loi apporte une protection au dirigeant de société qui s’est porté caution de sa société.
L’article L. 341-4 du Code de la Consommation prévoit qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un engagement conclu par une personne physique, s’il est manifestement disproportionné au regard de ses biens et revenus. Ce texte s’applique à tous les cautionnements donnés par des personnes physiques, y compris les dirigeants de société.
Dans un arrêt du 15 janvier 2015, la 1ere chambre civile de la Cour de Cassation, suivant la chambre commerciale (Cass. com. 22 mai 2013, n° 11-24812) a apporté des précisions importantes sur cette question.
Cette décision rappelle que la disproportion de l'engagement de la caution, personne physique, telle que prévue par l'article L. 341-4 du code de la consommation, doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'autres engagements de caution, et qu'une cour d'appel a tort de les écarter des éléments d'appréciation au motif que les différents engagements de caution n’apparaissaient pas manifestement disproportionnés avec les biens et revenus de la caution au moment de leur conclusion.
La première chambre civile de la Cour de cassation casse cette décision en considérant que : « la disproportion doit être appréciée au regard de l'endettement global de la caution, y compris celui résultant d'engagements de caution ».
Selon la Cour il aurait fallu tenir compte de l'endettement cumulé que représentaient, à la date de chaque nouveau cautionnement, ceux qui avait été précédemment consentis.
Devoir d’information
La banque bénéficiaire du cautionnement doit informer le dirigeant chaque année, avant le 31 mars, du montant de la somme garantie (principal, intérêts, commissions, frais et accessoires) restant à courir au 31 décembre de l’année précédente et du terme de son engagement. Si le cautionnement est à durée indéterminée, la banque doit également rappeler la faculté pour la caution de révoquer à tout moment son engagement, ainsi que les conditions dans lesquelles elle peut y procéder.
Le défaut d’accomplissement de cette formalité a pour effet de libérer le dirigeant des intérêts aux taux conventionnels échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Le dirigeant n’est pas libéré pour autant de son engagement.
Le dirigeant caution et les procédures collectives
Le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde a pour effet d’arrêter pour les cautions :
-le cours des intérêts légaux (c'est-à-dire ceux dus après une mise en demeure de payer ou à la suite d'une condamnation) ;
-le cours des intérêts conventionnels (c'est-à-dire ceux prévus pour rémunérer un prêt bancaire) ;
-les intérêts de retard et majorations.
Le montant des intérêts réclamés à la caution ne peut donc plus varier.
Par exception, les intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus ne sont pas concernés. Les intérêts continueront à courir.
Cette règle ne s'applique pas lorsque le débiteur fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
L'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire suspend, de façon temporaire, les poursuites à l’encontre des cautions personnes physiques.
S'il s'agit d'une procédure de liquidation judiciaire, il faut distinguer deux cas :
-Si le tribunal de commerce prononce une liquidation judiciaire immédiate, le créancier peut directement poursuivre la caution.
-A l'inverse, si un redressement judiciaire est transformé en liquidation judiciaire, la suspension des poursuites est maintenue pendant la période d'observation précédant la décision de conversion.
La protection des cautions personnes physiques dure seulement le temps de la période d'observation, qui peut aller jusqu'à 18 mois.
La caution personne morale, quant à elle, ne bénéficie d'aucune protection durant la période d'observation. Elle peut être poursuivie dès le jugement d'ouverture de la procédure collective.
A la fin de la période d'observation et une fois que le jugement arrêtant le plan de redressement judiciaire ou décidant de la liquidation judiciaire est prononcé, le créancier peut poursuivre la caution personne physique sans nouvelle assignation et sans qu'il soit nécessaire de lui notifier préalablement le jugement.
Les cautions ne peuvent pas bénéficier des délais de paiement négociés dans le plan de redressement. Par conséquent, le créancier peut exiger d'être payé immédiatement par ces personnes qui peuvent toutefois réclamer auprès du tribunal un délai ou un différé de paiement de deux ans maximum (délai de grâce).
Le dirigeant caution et le surendettement
La loi autorise le dirigeant caution de sa société à bénéficier d’une procédure de surendettement et de rétablissement personnel. Ces procédures permettent de suspendre les poursuites à l’encontre de la caution et d’aménager les conditions de remboursement.
Les procédures collectives ont influencé la conception de la procédure de rétablissement personnel. Ainsi, les créanciers doivent se déclarer auprès du mandataire désigné. Une liquidation du patrimoine personnel du débiteur a lieu et la clôture de l’action entraine l’effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur.
Par ailleurs, dans le cadre des procédures collectives, le dirigeant doit pouvoir anticiper les difficultés de sa société et lancer une procédure collective dès les premières difficultés financières afin d’éviter la liquidation judiciaire, par exemple en mettant en place un accord de conciliation.
Dès lors, le dirigeant garant de sa société peut se prévaloir des dispositions de l’accord qu’il soit constaté ou homologué, ainsi que de celle du plan de sauvegarde. En revanche, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, le dirigeant garant ne peut se prévaloir des dispositions du plan.
Alexandra SIX,
Cabinet Eloquence, avocats Lille