31 mars 2020
Deux textes encadrent le fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale pendant la période d’urgence sanitaire :
1) L’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période.
2) L’Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.
Le texte voté par le Parlement le 22 mars 2020 sur la situation sanitaire actuelle prévoit que l'état d'urgence entre en vigueur pour une durée de deux mois sur l'ensemble du territoire national à compter de la publication de la loi.
La loi ayant été publiée le 24 mars 2020, l’état d’urgence se termine donc le 24 mai 2020.
Les Ordonnances précitées visent les délais qui arrivent à échéance entre le 12 mars et le 24 juin 2020.
1. Prorogation des délais échus et adaptation des procédures
Diverses mesures d’adaptation des procédures au contexte actuel ont été prises.
- Principe du report des échéances et termes :
Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli, pendant la période mentionnée précédemment, sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit.
Autrement dit :
• les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 : leur terme n’est pas reporté ;
• les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire : ces délais ne sont ni suspendus, ni prorogés ;
• les délais dont le terme intervient entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 : les actes/formalités peuvent être accomplis dans le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois, soit jusqu’au 24 août 2020.
- Aménagement des effets des clauses de délais contractuels :
Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période du 12 mars 2020 au 24 juin 2020.
Ces astreintes prennent cours et ces clauses produiront leurs effets à compter du 24 juin 2020 si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme.
Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période du 12 mars 2020 au 24 juin 2020.
En outre, lorsqu'une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu'elle est renouvelée en l'absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s'ils expirent durant la période du 12 mars 2020 au 24 juin 2020, de deux mois après la fin de cette période, soit jusqu’au 24 août 2020.
- Prorogation de mesures administratives et judiciaires :
L’effet des mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale, des mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation, des mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction, ainsi que des autorisations, des permis et des agréments est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter du 24 mai 2020, soit jusqu’au 24 juillet 2020, sauf si elles sont levées ou leur terme modifié par l’autorité compétente entre temps.
Ces dispositions ne concernent pas les délais et mesures résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale, les élections régies par le code électoral et les consultations auxquelles ce code est rendu applicable, ni les délais concernant l’édiction et la mise en œuvre de mesures privatives de liberté, ni les délais concernant les procédures d'inscription dans un établissement d'enseignement ou aux voies d’accès à la fonction publique, ni les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier, ni les délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ou en application de celle-ci. Elles peuvent concerner les mesures restrictives de liberté et aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garantie, sous réserve qu’elles n’entrainent pas une prorogation au-delà du 30 juin 2020.
2. Règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété
Cette ordonnance allège le fonctionnement des juridictions civiles et commerciales en permettant l’information des parties et en organisant le respect du contradictoire par tout moyen.
- Simplification des modalités de renvoi :
L’ordonnance simplifie les modalités de renvoi des affaires et des auditions prévues à des audiences supprimées en raison du contexte sanitaire.
L’information peut être faite par tout moyen, notamment électronique (messagerie électronique entre avocats, RPVA) ou par lettre simple.
Si le défendeur ne comparaît pas à l’audience à laquelle l’affaire est renvoyée et n’a pas été cité à personne, la décision est rendue par défaut.
- Dématérialisation des audiences :
Les audiences pourront, en première instance comme en appel, avoir lieu par visioconférence.
En cas d’impossibilité de recourir à un tel moyen, le juge pourra décider d’entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique.
Dans tous les cas, le moyen utilisé devra permettre de s’assurer de l’identité des parties et garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats.
- Communication des écritures et pièces - Publicité des débats :
Les parties peuvent échanger leurs écritures et leurs pièces par tout moyen dès lors que le juge peut s’assurer du respect du contradictoire.
Le président de la juridiction peut décider que les débats se dérouleront en publicité restreinte et, si nécessaire, en chambre du conseil (hors la présence du public).
- Procédures à juge unique :
Si l’audience de plaidoirie, la clôture de l’instruction ou la décision de statuer selon la procédure sans audience a lieu pendant la période mentionnée précédemment, la juridiction peut, sur décision de son président, statuer à juge unique en première instance et en appel.
Cette règle n’est pas applicable devant le tribunal de commerce où les affaires relèveront d’un juge chargé de l’instruction de l’affaire, qui rapportera à la formation collégiale.
- Procédures sans audience :
Lorsque la représentation par avocat est obligatoire ou que les parties sont représentées ou assistées par un avocat, la juridiction pourra également statuer sans audience et selon une procédure écrite.
Les parties ne pourront pas s’y opposer lorsque la procédure est urgente. Dans les autres procédures, les parties disposent d’un délai de quinze jours pour s’y opposer.
La procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats.
- Transfert de compétence territoriale d’une juridiction empêchée :
Il est possible pour le premier président de la cour d’appel, de désigner, par ordonnance, une juridiction du ressort de la cour, pour connaître tout ou partie de l’activité relevant de la compétence d’une autre juridiction du ressort qui serait dans l’incapacité de fonctionner (en cas d’empêchement de magistrats et fonctionnaires malades ou confinés).
- La procédure de référé :
Pour éviter l’engorgement des audiences de référé maintenues, la juridiction pourra, par ordonnance non contradictoire, rejeter une demande irrecevable ou qui n’en remplit pas les conditions.
- Notification des décisions :
Les décisions rendues pourront être portées à la connaissance des parties par tout moyen, sans préjudice des règles de notification des décisions.
Alexandra SIX et Graziella DODE
Avocats