24 mars 2020
La plupart des sociétés commerciales sont en principe obligées de tenir une assemblée générale ordinaire d’approbation des comptes dans les six mois qui suivent la date de clôture de l’exercice.
En effet, le dépôt des comptes est obligatoire et ceux-ci doivent préalablement avoir été soumis à l’assemblée des associés.
La majorité des sociétés qui clôturent leur exercice au 31 décembre, doivent donc tenir leur assemblée avant le 30 juin de l’année suivante.
Cela suppose d’avoir établi préalablement la liste des documents impératifs que sont notamment : les comptes sociaux et le rapport de gestion (si la société dépasse les seuils).
Notons toutefois que :
• Ce délai de 6 mois n'est pas applicable aux SAS, lesquelles fixent librement dans leurs statuts le délai dans lequel l'assemblée générale devra être réunie.
• Pour les EURL dont l'associé unique est le gérant, le dépôt au greffe de l'inventaire et des comptes annuels vaut approbation des comptes (article L.223-31)
• Pour les SAS(U) dont l'associé unique est le président, le dépôt au greffe de l'inventaire et des comptes annuels vaut approbation des comptes (article L.227-9)
Donc :
-Pour les SARL et les SA, la date limite pour tenir une assemblée générale annuelle ordinaire est de 6 mois suivant la clôture de l’exercice. Les associés doivent être convoqués dans un délai de 15 jours maximum avant la date de l’assemblée générale ordinaire ;
- pour les SAS, les actionnaires sont libres de fixer les règles de convocation et les délais des assemblées générales ordinaires dans les statuts de la société. Cela étant, la plupart des statuts prévoient que l’assemblée générale d’approbation des comptes annuels doit se tenir dans les six mois de leur clôture.
En l’absence de précision des statuts, le code de commerce ne fixe pas de délai pour consulter les associés. Toutefois une disposition impérative prévoit que la mise en paiement des dividendes s’effectue dans les neuf mois de la clôture de l’exercice social.
Quelles sont les sanctions ?
• La sanction pénale en cas de non tenue de l'AG dans les 6 mois, prévue à l'article L.241-5 du code de commerce pour les SARL, a été abrogée par la loi n°2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives.
Il demeure en principe le risque de responsabilité civile du dirigeant pour faute de gestion pouvant donner lieu à des dommage-intérêts.
Par ailleurs, le greffe peut vous mettre en demeure de déposer vos comptes annuels par injonction sous astreinte.
Dans la période actuelle, les sanctions risques de ne pas être appliquées. Cela étant, il est toujours préférable de se conformer aux obligations légales.
-La première difficulté actuelle tient au fait que pour beaucoup de sociétés, les comptes sociaux n’ont pu être finalisés ; vous ne serez donc vraisemblablement pas en mesure de tenir cette assemblée dans les délais.
Il convient en principe de déposer une requête auprès du président du tribunal de commerce dont dépend le siège social de la société aux fins de solliciter un report qui est en principe maximum de six mois.
Cette possibilité est prévue expressément par les dispositions législatives et réglementaires pour la SA et pour la SARL pluripersonnelle.
En revanche, elle n’est pas prévue pour l’EURL ni pour la SASU ni pour la SAS. À notre avis, si le délai d’approbation des comptes ne peut pas être respecté dans ces sociétés, même en l’absence de disposition expresse, il convient de solliciter une prorogation du délai en s’adressant au juge.
La demande de prolongation prend la forme d’une simple requête, c’est-à-dire en pratique un courrier adressé au président du tribunal de commerce compétent. Il convient de l’expédier par courrier recommandé avec demande d’avis de réception ou de la déposer directement au greffe contre récépissé.
Les motifs de ce report sont évidents en cette période mais doivent néanmoins être précisés.
Cette requête donne lieu à une ordonnance du Président.
Il est évident que dans le contexte actuel, les ordonnances autoriseront ce report. Il est d’ailleurs envisageable que le gouvernement prenne une décision qui prévoit le principe d’un report automatique pour éviter l’engorgement des tribunaux de commerce à ce sujet.
-Si vos comptes sociaux sont établis dans les délais, comment envisager de procéder à la réunion de l’assemblée des associés.
Peut-on imaginer la tenue d’une assemblée par visio conférence ou par consultation écrite ?
En ce qui concerne les SARL, le code de commerce interdit ces procédés pour les assemblées générales d’approbation des comptes.
A moins qu’une loi modifie ce texte dans les semaines à venir, ce procédé n’est donc pas envisageable.
Dans les SAS, les statuts déterminent librement les conditions et formes dans lesquelles sont prises les décisions collectives. Pour être applicables, les statuts doivent être suffisamment précis sur les conditions dans lesquelles vont s’exercer les droits de vote et le délai pour obtenir communication des documents.
Si la convocation doit être faite par lettre recommandée, nous nous heurtons à la difficulté de leur transmission puisque désormais la plupart des bureaux de poste sont fermés.
Seuls les cas de convocation et de vote à distance peuvent donc s’appliquer si les statuts les ont prévus de manière précise et régulière.
En ce qui concerne les sociétés cotées, l’Autorité des Marchés Financiers a publié un communiqué le 6 mars 2020 recommandant aux émetteurs cotés de retransmettre en direct leur assemblée générale sur leur site Internet et de communiquer largement à ce sujet. L’AMF a rappelé aux actionnaires des sociétés cotées qu’il leur est possible de voter aux assemblées générales sans y être physiquement présent, et ce au moyen de vote par correspondance via un formulaire de vote, vote par procuration ou vote par internet au moyen d’une plateforme dédiée. Tout actionnaire peut également poser des questions écrites sur les sujets qui relèvent de l’assemblée générale en application de l’article L. 225-108 du code de commerce.
En l’absence de nouvelles dispositions nous serions tentés d’envisager uniquement la demande de report sur requête.
Cela étant, en vue de répondre à ces difficultés, et plus largement afin de faire face aux conséquences économiques financières et sociales de la propagation du virus Parlement a adopté le 22 mars 2020 la loi d’urgence pour faire face aux conséquences de l’épidémie du covid-19.
Dans son article 7, la loi autorise le Gouvernement à prendre des mesures visant à « simplifier, préciser et adapter les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé sont tenues de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi que d’adapter les règles relatives à l’affectation des bénéfices et au paiement des dividendes »
Par conséquent, les ordonnances qui seront prises par le Gouvernement viendront à l’évidence solutionner ces questions qui concernent toutes les entreprises, en vue d’assurer la bonne tenue des assemblées générales et l’approbation des comptes relatifs à l’exercice clos le 31 décembre 2019.
A suivre donc …
Alexandra SIX et Charyse EBENGA