12 mai 2020
Par la loi de finances rectificative pour 2020 du 25 avril 2020, le législateur a mis en place un régime fiscal spécifique de faveur afin d’inciter les bailleurs à renoncer à percevoir les loyers.
Les dispositions gouvernementales ont prévu une suspension des loyers dans la période actuelle sans prononcer la dispense de ceux-ci.
De sorte que sauf accord du bailleur, les loyers restent en principe dus (sauf dans certains cas à pouvoir tenter d’invoquer la force majeure pour le preneur).
Dès les premiers jours de confinement, le gouvernement appelait l’ensemble des propriétaires de locaux professionnels à renoncer spontanément aux loyers en faveur des preneurs.
L’appel du Gouvernement avait pour objectif de préserver la trésorerie des entreprises ou, à tout le moins, d’éviter d’accroitre leur endettement en période de crise.
Un nombre important de bailleurs se questionnait sur le régime fiscal de ces « abandons » de loyer.
Le législateur a mis en place un régime fiscal spécifique de faveur afin d’inciter les bailleurs à renoncer à percevoir les loyers.
1/ Ainsi, s’agissant des bailleurs soumis, au titre de ces loyers, à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers, le législateur crée un article 14 B du Code Général des Impôts, aux termes duquel il est expressément prévu que « ne constituent pas un revenu imposable du bailleur les éléments de revenus fonciers ayant fait l'objet, par le bailleur, d'un abandon ou d'une renonciation au profit de l'entreprise locataire entre le 15 avril et le 31 décembre 2020 ». Cela vise donc la renonciation au loyer et à ses accessoires.
Le fait que le bien ne produise pas de revenu du fait de l’abandon des loyers, ne fait nullement obstacle à la déduction des charges supportées au titre du bien loué. En d’autres termes, il ne peut être reproché au bailleur de déduire des charges afférentes à un bien non productif de revenu foncier !
Une réserve est toutefois prévue. Lorsque l'entreprise locataire est exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur, le bénéfice de ce dispositif est subordonné à la condition que le bailleur puisse justifier par tous moyens des difficultés de trésorerie de l'entreprise.
Plus encore, l’existence d’un lien de dépendance entre la société bailleresse et la société preneuse fait obstacle à l’application de ce régime.
2/S’agissant des bailleurs, moins nombreux, relevant du régime des bénéfices non commerciaux (sous-location notamment), il est encore prévu que les abandons de loyers sont exclus des recettes imposables de la personne qui a renoncé à les percevoir.
Dans le même sens que le dispositif applicable aux revenus fonciers, les charges afférentes aux biens, habituellement déduites du bénéfice, demeurent déductibles du résultat.
3/Concernant les bailleurs assujettis à l’impôt sur les sociétés, ou à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, il était à craindre qu’en cas de contrôle, l’Administration Fiscale considère qu’un tel abandon de loyers, contraire à l’intérêt de la Société, correspondait finalement à un profit imposable.
Or, l’article 39 du Code Général des Impôts crée un régime d’exception tenant compte du contexte.
Il est complété en vue d’intégrer « les abandons de créances de loyer et accessoires afférent à des immeubles donnés en location à une entreprise » dans les charges déductibles des résultats imposables.
L’abandon de loyer doit avoir été consenti entre le 15 avril et le 31 décembre 2020.
Ce régime est subordonné à la condition qu’il n’existe aucun lien de dépendance entre le preneur et le bailleur (Lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ou lorsque l’un et l’autre sont placées sous le contrôle d'une même tierce entreprise).
S’il existe, en revanche, un tel lien de dépendance, l’abandon entrera dans la catégorie des charges déductibles si, et seulement si, il a un caractère commercial et relève de la « gestion normal » de l’entreprise.
Nous attirons l’attention sur le fait que la comptabilisation de l’abandon en charge au niveau du bailleur, implique la constatation d’un produit imposable au niveau du preneur.
Ce régime favorable est donc à manier avec précaution pour trouver sa pleine application.
Alexandra SIX et Coraline BONTE
Avocat associé et Avocat collaborateur