17 avril 2017
En cas de conflit entre associés, se pose rapidement le retrait ou l’exclusion pour tenter de sortir de l’impasse, voire du blocage de la société.
Or, l’une ou l’autre des solutions nécessite d’avoir été préalablement envisagée.
1/ Le droit au retrait d’un associé d’une SCI
A défaut de disposition dans les statuts, ou de décision unanime des associés, un associé ne peut obtenir son retrait que par décision de justice s’il justifie de justes motifs.
L’article 1869 du code civil, prévoit en effet que l’associé peut se retirer totalement ou partiellement par décision judiciaire s’il existe de justes motifs permettant ce retrait.
La notion de justes motifs doit, en cas de retrait d'associé, s'apprécier de façon subjective, par rapport à la situation personnelle de l'associé qui veut se retirer de la société (Cass. 1ère Civ. 27 février 1985; CA PARIS 10 mai 1995).
Il existe deux grandes catégories de justes motifs : les motifs personnels et ceux qui touchent aux relations entre les associés.
Dans un arrêt rendu par la Chambre commerciale en date du 8 mars 2005, la Cour précise que les raisons « de pure convenance personnelle » ne sauraient constituer les justes motifs requis par le texte. (La Cour d'appel de Paris avait déjà statué dans ce sens dans un arrêt du 9 février 1996 s'agissant d'une demande de retrait fondée uniquement sur des considérations fiscales et successorales, qui a été rejetée).
Dans une décision du 11.02.2014, la Cour de cassation a admis le retrait d’une associée après son divorce dès lors qu’elle n’occupait plus le logement et ne percevait aucun revenu, sans que soit invoqué le blocage de la société.
La Cour s’est davantage fondée sur la perte totale d’affectio societatis dès lors que la société avait pour unique objet de gérer ce logement. Cette décision est vraisemblablement un cas d’espèce.
Pour invoquer la mésentente familiale comme justifiant le retrait, il est en principe nécessaire de démontrer que cela constitue un obstacle au bon fonctionnement, que cela créé une situation de blocage sinon, la preuve des justes motifs ne sera pas apportée.
Ainsi que l’illustre l’arrêt de la 3ième chambre civile de la Cour de Cassation en date du 8.07.2014 en décidant que :
« le défaut d'information dont elle faisait état et retenu que si elle fondait sa demande sur la mésentente familiale, il n'était pas démontré que cela constituerait un obstacle au bon fonctionnement de la SCI, qui n'avait pas connu de situation de blocage, et que le retrait serait de nature à compromettre la pérennité de la société.. de sorte que n’était pas rapportée la preuve de l'existence de justes motifs »
La Jurisprudence considère également que constitue un juste motif de retrait d'un associé de SCI, la privation de son droit de vote et l'absence de communication des informations auxquelles il a droit (CA Rouen 20 juin 2001) ou l'abus de majorité commis par ses coassociés qui, en refusant d'autoriser le retrait de l'intéressé et en le laissant à l'écart de toutes informations et des assemblées générales, étaient parvenus à jouir dans leur seul intérêt et sans contrepartie des fonds que celui ci avait mis à leur disposition dans la société (CA Nancy 30 janvier 1991).
De même, il y a juste motif de retrait d'associés de SCI lorsque, après le décès de l'ancien gérant il n'existait plus de aucune entente entre les associés sur les décisions à prendre en vue de l'administration de la propriété d'un immeuble constituant l'unique actif de la SCI (Cass. civ 3eme 28 mars 2012).
En pratique, il faut donc attendre que la société soit quasi paralysée pour obtenir judiciairement le retrait pour justes motifs !
Aussi, en vue d’éviter une procédure judiciaire longue et aléatoire, il est préconisé de ne pas attendre une telle situation en anticipant et en incluant dans les statuts une clause de retrait.
Cette clause fixera les motifs et les modalités de celui-ci. Elle peut également fixer la détermination du prix de la valeur des parts sociales.
2/ L’exclusion d’un associé d’une SCI
En cas de conflit entre associés, bien souvent l’associé majoritaire pense que la solution consiste à exclure l’autre associé.
C’est bien souvent à cette occasion que l’associé découvre que les statuts ne prévoient pas cette hypothèse…
Or, là encore un associé ne peut être exclu d’une société si cela n’a pas été prévu statutairement.
Et, contrairement au retrait, aucune disposition ne permet de solliciter l’exclusion d’un associé en justice, de sorte que cette hypothèse ne peut en aucun cas être envisagée.
Il résulte en effet de l’article 544 du code civil que le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue rend impossible l’exclusion d’un associé si celle-ci n’a pas été expressément prévue par les dispositions statutaires.
En revanche, les associés peuvent fixer librement les conditions d’exclusion d’un associé (causes, règles de majorité, délais et mise en œuvre).
Ces clauses amenées à fixer les cas dans lesquels l’exclusion sera envisagée sont à rédiger en fonction de la particularité de la société (nombre d’associés, pourcentage de détention de chacun …).
Dans tous les cas où la décision d’exclusion nécessite une décision collective des associés, l’associé concerné doit pouvoir prendre part au vote puisque tout associé a le droit de participer.
En conclusion, pour éviter des situations de blocage inextricables, il est absolument essentiel d’envisager ces types de clauses dans les statuts lors de la création de la société ou unanimement en cours de vie sociale lorsque le climat est apaisé et favorable à la discussion.
Alexandra SIX