Conflit d’associés en SCI : qui de la répartitions inégalitaires des bénéfices ?

23 juillet 2019

 

Selon les dispositions légales, la répartition des bénéfices s’effectue en proportion des droits sociaux détenus dans la société. Cela étant, les statuts peuvent prévoir une  répartition une répartition inégalitaire sous réserve du respect de certaines modalités.

La règle, selon l’article 1844-1 alinéa 1 du Code civil, est que la répartition des bénéfices et des pertes se fait proportionnellement au montant des apports en numéraire ou en nature effectués par les associés. D’ailleurs, dans le silence des statuts cette règle s’impose aux associés.

 Cela étant, les associés peuvent déroger à cette règle puisque la répartition des bénéfices peut être libre, et donc non proportionnelle à l’apport effectué par chaque associé. Il est seulement interdit de priver un associé de toute part dans les bénéfices ou de réduire celle-ci à une masse insignifiante. Par ailleurs, les clauses léonines sont réputées non écrites dès lors qu’elles attribuent à un cocontractant des droits absolument disproportionnés par rapport à ses obligations (article 1844-1 alinéa 2).

Les statuts peuvent en revanche prévoir une répartition des bénéfices aux termes de laquelle durant les premières années les nouveaux associés entrant ne percevraient qu’un bénéfice limité qui augmenterait avec le temps.

Ces dispositions statutaires doivent en principe être prises à l’unanimité lors de la rédaction des statuts mais elles peuvent être prises en cours de vie sociale selon les règles de majorité relatives aux modifications statutaires (majorité qualifiée) et dans ce cas s’imposer aux associés minoritaires qui ne les auraient pas adoptées.

Cette modification ne doit pas être constitutive d’un abus de majorité, à défaut le juge peut être saisi pour trancher cette question.

Est constitutive d'un abus de majorité la décision sociale prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l’unique but de favoriser les associés majoritaires au détriment de ceux qui sont minoritaires.
A défaut ladite modification est susceptible d’être annulée par action judiciaire initiée par l’associé minoritaire qui subit celle-ci et démontre qu’elle est constitutive d’un abus.

Dans une décision récente du 18 avril 2019, la Cour de cassation rappelle ces différents principes et se prononce sur une répartition inégalitaire (Cass. 3e civ. 18-4-2019 n° 18-11.881 F-D, C. c/ Sté Echirolles).

 En l’espèce, une société civile immobilière est constituée entre des parents et leurs enfants. Les deux parents, qui sont les fondateurs de la société, ont décidé lors d’une assemblée générale extraordinaire de créer des catégories de parts sociales qui donnent droit à un bénéfice variable selon la catégorie dans laquelle elles se situent. Ils ont donc décidé de répartir de manière inégalitaire les bénéfices entre les associés. Les parents fondateurs, tous deux titulaires de deux parts sociales, décident de bénéficient de 40% du bénéfice chacun, soit 80%. Les deux enfants du premier disposent de 498 parts, tout comme les trois enfants du second et ils obtiennent 10% du bénéfice, soit les 20% restant.

L’un des enfants a saisi le tribunal et sollicite l’annulation des délibérations pour abus de majorité, car il considérait injuste que sa part des bénéfices soit réduite de manière aussi inégalitaire.

Cependant, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et a considéré que l’abus de majorité n’était pas caractérisé en l’espèce, tout comme l’avait fait la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans son arrêt du 7 décembre 2017.

Cette dernière avait justifié sa décision en évoquant deux points :

D’abord le fait que la décision des associés majoritaires était motivée par le désir de remercier les associés fondateurs de leur engagement et non dans le seul but d’avantager les associés majoritaires au détriment des minoritaires. En effet, ces derniers ont été avantagés et les associés majoritaires ont au contraire vu leur quote-part dans les bénéfices et les réserves distribuées diminuer. Le second point qui permet que l’abus de majorité ne soit pas retenu par la Cour d’appel est que la répartition inégalitaire des bénéfices et des réserves décidée par les associés majoritaires n’était pas contraire à l’intérêt social de la société, et les minoritaires ne démontrent pas, au contraire, qu’ils ont été lésés.

La Cour de cassation a repris l’exposé de la Cour d’appel « Mais attendu qu’ayant retenu que la décision […] n’avait pas été prise dans l’unique but d’avantager les associés majoritaires au détriment des minoritaires […] et que la répartition inégalitaire des bénéfices et des réserves entre les associés n’était pas contraire à l’intérêt social, la cour d’appel en a exactement déduit que l’abus de majorité n’était pas caractérisé ».

 Le contexte de cette affaire justifiait donc la décision des fondateurs compte tenu de leur implication dans la société.

Sous les limites rappelées ci-avant, il existe donc une grande liberté des associés pour mettre en œuvre des modalités de répartition qui correspondent à la situation recherchée qui certes inégalitaire dans la répartition peut avoir pour objet en réalité de rééquilibrer une inégalité de situation des associés.

 Pour éviter les conflits et les contestations ultérieures, il est évidemment préférable de réfléchir à cette question dès la rédaction des statuts en fonction du contexte et de l’objectif recherche.

 

Alexandra SIX

Avocat droit des sociétés et droit des affaires

 

Romane Galoin, stagiaire

 


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