23 juillet 2019
Dans une décision récente du 18 avril 2019, la Cour de cassation rappelle ces différents principes et se prononce sur une répartition inégalitaire (Cass. 3e civ. 18-4-2019 n° 18-11.881 F-D, C. c/ Sté Echirolles).
En l’espèce, une société civile immobilière est constituée entre des parents et leurs enfants. Les deux parents, qui sont les fondateurs de la société, ont décidé lors d’une assemblée générale extraordinaire de créer des catégories de parts sociales qui donnent droit à un bénéfice variable selon la catégorie dans laquelle elles se situent. Ils ont donc décidé de répartir de manière inégalitaire les bénéfices entre les associés. Les parents fondateurs, tous deux titulaires de deux parts sociales, décident de bénéficient de 40% du bénéfice chacun, soit 80%. Les deux enfants du premier disposent de 498 parts, tout comme les trois enfants du second et ils obtiennent 10% du bénéfice, soit les 20% restant.
L’un des enfants a saisi le tribunal et sollicite l’annulation des délibérations pour abus de majorité, car il considérait injuste que sa part des bénéfices soit réduite de manière aussi inégalitaire.
Cependant, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et a considéré que l’abus de majorité n’était pas caractérisé en l’espèce, tout comme l’avait fait la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans son arrêt du 7 décembre 2017.
Cette dernière avait justifié sa décision en évoquant deux points :
D’abord le fait que la décision des associés majoritaires était motivée par le désir de remercier les associés fondateurs de leur engagement et non dans le seul but d’avantager les associés majoritaires au détriment des minoritaires. En effet, ces derniers ont été avantagés et les associés majoritaires ont au contraire vu leur quote-part dans les bénéfices et les réserves distribuées diminuer. Le second point qui permet que l’abus de majorité ne soit pas retenu par la Cour d’appel est que la répartition inégalitaire des bénéfices et des réserves décidée par les associés majoritaires n’était pas contraire à l’intérêt social de la société, et les minoritaires ne démontrent pas, au contraire, qu’ils ont été lésés.
La Cour de cassation a repris l’exposé de la Cour d’appel « Mais attendu qu’ayant retenu que la décision […] n’avait pas été prise dans l’unique but d’avantager les associés majoritaires au détriment des minoritaires […] et que la répartition inégalitaire des bénéfices et des réserves entre les associés n’était pas contraire à l’intérêt social, la cour d’appel en a exactement déduit que l’abus de majorité n’était pas caractérisé ».
Le contexte de cette affaire justifiait donc la décision des fondateurs compte tenu de leur implication dans la société.
Sous les limites rappelées ci-avant, il existe donc une grande liberté des associés pour mettre en œuvre des modalités de répartition qui correspondent à la situation recherchée qui certes inégalitaire dans la répartition peut avoir pour objet en réalité de rééquilibrer une inégalité de situation des associés.
Pour éviter les conflits et les contestations ultérieures, il est évidemment préférable de réfléchir à cette question dès la rédaction des statuts en fonction du contexte et de l’objectif recherche.
Alexandra SIX
Avocat droit des sociétés et droit des affaires
Romane Galoin, stagiaire