05 octobre 2017
La fiche de renseignement remplie par l'emprunteur est un document essentiel qui doit être sincère pour pouvoir s'en prévaloir, tel est en quelque sorte le rappel de la Cour de cassation sans une décision du 13.09.2017.
Bien que le dirigeant soit quasi systématiquement considéré comme une personne avertie, il n’en reste pas moins que le banquier doit s’assurer que cet engagement de caution impose une exigence de proportionnalité entre la dette du débiteur principal et les revenus et patrimoine de la caution.
A défaut, la caution peut être déliée de son engagement !
L’article L341-4 du code de la consommation dispose que ainsi que « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
Comment s’apprécie le caractère manifestement disproportionné d’un cautionnement ?
Deux conditions sont réunies : la disproportion de l'engagement de la caution par rapport à ses revenus et ses biens au moment de son engagement d'une part, et d'autre part l'insuffisance de son patrimoine lorsqu'elle est recherchée par le créancier.
S’agissant de la date d’appréciation, la jurisprudence considère que la disproportion s’apprécie, pour chaque caution, à la date de formation de l’acte de cautionnement.
Cependant, si la date d’appréciation du caractère manifestement disproportionné du cautionnement ne pose pas problème, il en va différemment des revenus et biens à prendre en considération.
Autrement dit, il s’agit de savoir si le caractère disproportionné du cautionnement s’apprécie au regard des seuls revenus et biens de la caution ou s’il faut tenir compte également des dettes y compris celles résultant d’engagement de caution.
Aux termes de l’article L 332-1 du Code de la Consommation, un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Si cette règle se veut protectrice des intérêts de la caution encore faut il que cette dernière ait pris les précautions nécessaires et soit en mesure de prouver que l’engagement qu’elle a souscrit était manifestement disproportionné à ses ressources au jour de sa conclusion.
En effet, il ressort d’une jurisprudence désormais constante et bien établie que la charge de cette preuve incombe à la caution (notamment, Cass. 1e civ. 12-11-2015 no 14-21.725; Cass. com. 22-2-2017 no 15-17).
Il appartient ainsi à la caution d’établir la valeur et la consistance de son patrimoine par tous moyens appropriés, en ce compris par la production d’avis d’imposition (Cass. 1e civ. 12-11-2015 ; CA Paris 1-6-2007 n° 05-22456).
Si la caution ne produit aucune pièce, le juge peut fonder son appréciation sur la fiche de renseignement remise à la banque, peu important qu’elle n’ait pas été remplie par la caution elle-même dès lors qu’elle en a accepté le contenu en la signant (Cass. com. 14-12-2010 n° 09-69.807).
En pratique, cette charge de la preuve est souvent délicate à rapporter.
Un arrêt récent du 20 avril 2017 (Cass. Com. 20-04-2017 n°15-16184), a pu, l’espace d’un instant, laisser penser à un assouplissement de cette charge pesant sur la caution.
En effet, bien que rejetant la demande de la caution fondée sur l’article L 341-4 du Code de la consommation (devenu ensuite l’article L 332-1 du Code de la Consommation), cet arrêt a jugé que « Le créancier a le devoir de s’enquérir de la situation patrimoniale de la caution mais il est en droit de se fier aux informations qui lui sont fournies et n’est pas tenu de les vérifier en l’absence d’anomalie apparente ».
D’aucuns ont cru bon déceler dans cette décision une possible esquisse d’assouplissement impliquant davantage le créancier, c’est-à-dire en pratique le banquier, dans l’évaluation du patrimoine de la caution au moment de la signature du contrat.
Dans le présent arrêt du 13 septembre 2017 (Cass.Com 13-9-2017 n°15-20294), la Cour de Cassation semble, dès à présent, mettre fin à tout débat en renouant avec sa position rigoureuse classique (ou, à tout le moins, en réaffirmant cette position en l’allégeant de toute référence équivoque à un éventuel devoir « de s’enquérir » du banquier).
En l’espèce, la compagne du dirigeant d’une société se porte caution, à hauteur de 480 000 €, des dettes de celle-ci à l’égard d’une banque.
Poursuivie en exécution de cet engagement après la mise en liquidation judiciaire de la société, la caution fait alors valoir que, faute de l’avoir interrogée directement sur sa situation patrimoniale lors de la souscription du cautionnement, la banque ne peut pas ensuite lui reprocher de ne pas faire la preuve du caractère disproportionné de son engagement.
Cet argument est rejeté par la Cour de Cassation : « l’article L 332-1 du Code de la consommation n’impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement. C’est à la caution qui invoque ce texte de prouver que son cautionnement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ».
La caution soutenait par ailleurs la disproportion du cautionnement ne pouvait être écartée en se fondant sur la seule fiche de renseignement remplie par son concubin.
La Cour de cassation écarte une nouvelle fois cet argument en considérant que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a retenu l’existence des biens et revenus de la caution au jour de son engagement en se fondant uniquement sur la fiche de renseignement et alors même que celle-ci avait été remplie par le concubin de la caution.
Ce document, bien souvent signé sans formalisme, est donc essentiel pour démontrer le caractère disproportionné de la caution.
Alexandra SIX