30 décembre 2021
Le professionnel exerçant une profession libérale dispose de la possibilité de choisir entre un bail professionnel ou un bail commercial pour la location de ses locaux. Pour rappel, le bail commercial est obligatoire dès lors qu’un fonds de commerce est exploité dans le local loué, que ce fonds appartienne à un commerçant ou à un artisan immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou à un chef d’entreprise immatriculé au répertoire des métiers.
Le régime des baux professionnels, quant à lui, concerne exclusivement les professions libérales (architecte, avocat, expert-comptable…) s’applique de ce fait à tous professionnels non-commerçants.
C’est le caractère civil de leurs activités qui gouverne l’application du statut du bail professionnel de sorte qu’une profession indépendante dont l’activité est par nature commerciale sera soumise au statut des baux commerciaux.
Peu importe la forme sociétaire d’exercice de son activité libérale pour déterminer le statut applicable au bail des locaux loués pour y exercer son activité.
Soulignons que le statut du bail professionnel est à l’instar de celui du bail commercial d’ordre public, le socle de leur régime juridique s’applique en conséquence obligatoirement aux parties.
Cependant, les professions libérales disposent de la possibilité de soumettre leur bail au statut des baux commerciaux (décret du 30 septembre 1953 n°53-960).
Le régime des baux commerciaux est très réglementé par le Code de commerce dont nombre de dispositions sont impératives et le Code civil aux dispositions supplétives mais pour certaines, les plus importantes, rendues d’ordre public par les tribunaux, contrairement à celui des baux professionnels qui se confère presque uniquement aux articles 57A et 57B de la loi du 23 décembre 1986 (loi n°86-1290).
Chaque régime ayant ses avantages et ses inconvénients, le choix final du professionnel indépendant devra se faire en fonction de ses besoins et de ses attentes dudit bail.
Afin de sélectionner le bail et son régime juridique le plus adéquat, il convient de les comparer sur six points principaux :
La durée du bail,
Le droit au renouvellement du bail,
La résiliation du bail,
Les loyers et la révision des loyers,
Les charges, les impôts et les taxes,
La cession du droit au bail.
1. La durée du bail
La durée du bail professionnel est fixée au minimum à six ans (article 57 A de la loi du 23 décembre 1986) contre neuf ans minimums pour le bail commercial (L 145-4 alinéa 1 du Code de commerce).
Au terme du contrat, le bail professionnel est tacitement reconduit, sans formalités particulières, pour la même durée si aucune des parties n’y met un terme. De même, si le bail commercial arrive à son terme sans avoir fait l’objet d’un congé délivré dans les délais légaux par le bailleur ou d’une demande de renouvellement par le locataire, il sera prolongé pour une durée indéterminée aux mêmes conditions, de manière tacite « tacite prolongation », et poursuivra ses effets.
2. Le droit au renouvellement du bail
Le bail commercial consacre à l’article L 145-15 le droit au renouvellement du bail et en fait une disposition d’ordre public. Seul le locataire satisfaisant aux conditions de l’article L 145-1 pourra bénéficier de ce droit, c’est-à-dire : être immatriculé au RCS ou au répertoire des métiers, être propriétaire du fonds de commerce exploité dans les lieux loués et avoir exploité le fonds de commerce de manière effective au cours des trois dernières années ayant précédé l’expiration du bail.
Le renouvellement du bail peut résulter d’un congé donné par le bailleur avec offre de renouvellement ou d’une demande de renouvellement adressée par le locataire, les deux étant à formaliser avec le plus grand pour leur donner plein effet juridique.
Le bailleur qui refusera le renouvellement devra soit justifier d’un motif légitime de non-renouvellement soit payer une indemnité d’éviction au locataire. Le droit au renouvellement permet de conclure un nouveau contrat de bail d’une durée de neuf ans au minimum et si ce droit n’est pas exercé le locataire ne pourra plus par exemple vendre son fonds de commerce sans l’aval du bailleur.
Le bail professionnel ne prévoit pas de droit au renouvellement à l’expiration du bail pour le locataire. Ainsi, si à l’expiration du contrat, le propriétaire souhaite récupérer son bien il pourra le faire sans que le locataire puisse exiger une compensation.
Cependant, il est utile de préciser que même si le professionnel libéral décide de souscrire à un bail commercial il ne pourra nullement bénéficier du droit au renouvellement ni de l’indemnité d’éviction puisqu’il ne satisfait pas les conditions posées à l’article L 145-1 du Code de Commerce.
3. La résiliation du bail
Le bail professionnel peut être rompu par le locataire à tout moment dès lors qu’il respecte un préavis de 6 mois (article 57A de la loi du 23 décembre 1986). Le locataire n’aura pas à motiver son congé ni à payer une pénalité financière.
Le bailleur pourra également, soit au terme du délai initial soit à celui de chacun de ses renouvellements, donner congé au locataire avec un préavis d’au moins six mois et n’aura pas à motiver son congé.
En revanche, pour le bail commercial, la résiliation est fortement encadrée et nombre de précautions, de forme et de fonds, sont à prendre pour lui donner plein effet à la date du terme choisi.
En effet, s’il s’agit du locataire, ce dernier sauf convention contraire, dont les conditions sont strictement encadrées, et ce tout particulièrement depuis l’entrée en vigueur de la Loi Pinel en date du 18 juin 2014, pourra donner congé à l’expiration de chaque période triennale, dans les formes et délais de l’article L 145-9.
La faculté de résiliation du locataire est discrétionnaire et le locataire ne devra pas préciser les motifs pour lesquels il donne congé (Cass 3e civ, 16 novembre 1995). Il doit prendre soin de toujours se ménager la preuve de son acte.
Concernant le bailleur, à l’expiration d’une période triennale, il aura la faculté de donner congé en notifiant un refus de renouvellement à son locataire. Sa demande devra être exécutée dans un délai de six mois avant le terme dudit bail et le bailleur devra, en principe, verser au locataire une indemnité d’éviction, généralement fixée à la valeur du fonds de commerce et de sa réinstallation.
4. Loyers et révision
Pour le bail commercial, le prix du loyer est librement fixé par les parties lors de la conclusion du contrat de bail initial, en principe sur la base de la valeur locative des locaux.
Généralement, deux modalités de révision du loyer en cours de location sont envisagées : la révision triennale (d’ordre public) et l’indexation conventionnelle ou la clause d’échelle mobile (indexation ou révision contractuelle).
Pour la révision triennale du prix des loyers, l’article L 145-38 prévoit « la demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d’entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé ». Le montant du loyer pourra ainsi être renouvelé tous les trois ans à la hausse comme à la baisse.
Cette formalité incombe au bailleur. A défaut de la réaliser, le loyer demeure en l’état de son montant négocié à la date d’effet du bail.
L’indexation annuelle ne peut quant à elle modifier le montant du loyer du bail, à la hausse comme à la baisse selon la variation de l’indice choisi par les parties au bail pour autant qu’une clause existe dans le bail.
Concernant le bail professionnel, le montant du loyer est également librement fixé. Ses modalités de paiement sont inscrites dans le bail. Il n’y a pas de révision de droit sauf si une clause contraire du bail le prévoit.
Les indices de révision du loyer du bail varient selon la nature de l’activité, et dans certains cas le choix des parties, « l’ILAT » (indice des loyers des activités tertiaires) pour les activités tertiaires (bail professionnel) et « l’ILC » (indice des loyers commerciaux) pour les activités commerciales et artisanales et industrielles (bail commercial).
Retenons que le loyer du bail commercial est révisable de par son statut et ce quelle que soit la volonté des parties exprimée dans le bail.
5. Charges, impôts et taxes
Dans le bail professionnel, la loi étant silencieuse, c’est le contrat qui définit librement les différentes charges (travaux de réparation et d’entretien ), taxes et impôts et leurs modes de répartition entre le bailleur et le locataire.
Dans le bail commercial, c’est le Décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 pris en application de la loi Pinel du 18 juin 2014 qui est venu encadrer en partie, mais grandement, les différentes charges, taxes et impôts répercutables sur le locataire par le bailleur.
Pour les taxes, il s’agit notamment de la taxe foncière, les taxes additionnelles à la date foncière (taxe d’enlèvement des ordures ménagères, taxe de balayage, taxes et redevances liées à l’usage du local). Le contrat peut également mettre à la charge du locataire les frais liés à un abonnement ou les taxes liées à l’activité de ce dernier (dépenses de consommation, taxes afférentes à son activité, charges nécessaires à l’exploitation de son commerce et si le local est dans une copropriété ; la quote-part des charges relatives aux éléments d’équipements utilisés et aux services communs).
6- La cession du droit au bail
Le bail professionnel permet aux parties d’être libre de convenir qu’il est ou non cessible, tant sur le principe que sur les conditions de la cession.
Le bail commercial également mais bien souvent, par usage, il est interdit la libre cession du droit au bail seul sauf à un successeur dans son fonds de commerce, exception non applicable à une profession libérale.
En conclusion, le bail professionnel offrira davantage de souplesse au locataire (comme au bailleur d’ailleurs) du fait de sa réglementation lacunaire en partie provenant du Code civil et de la liberté laissée aux parties dans la rédaction du contrat. En effet, le locataire pourra résilier le contrat à tout moment et sans motif, le montant du loyer et la révision du montant sera décidé par les parties ainsi que les charges afférentes au loyer.
Il devra être passé obligatoirement par écrit pour bénéficier du statut du bail professionnel.
Pourtant, le bail commercial semble apporter davantage de stabilité et de garanties au locataire.
Cependant, comme rappelé ci avant, cette hypothèse ne se vérifie que si le locataire répond aux conditions de l’article L 145-1 du Code de commerce. En effet, la personne exerçant une profession libérale ne pourra ni bénéficier du droit de renouvellement, ni de l’indemnité d’éviction.
Cependant, le bail commercial peut être intéressant pour le locataire qui chercherait un contrat de longue durée.
Le choix est à faire selon les circonstances.
Arnaud BOIX