31 août 2015
Bail commercial : Comment fixer au mieux l’indemnité d’éviction due au locataire en cas de non renouvellement du bail.
Le bail commercial est un contrat de location de locaux affectés à l’exercice d’une activité professionnelle commerciale ou artisanale.
Régi par plusieurs textes du code de commerce et depuis la loi Pinel n° 2014-626 du 18 juin 2014 et son Décret d’application n° du 2014- 1317 du 3 Novembre 2014, le statut des baux commerciaux se veut de plus en plus protecteur pour le locataire.
La loi confère au locataire un droit au maintien dans les lieux dont le non-respect par le bailleur peut entrainer, dans certains cas, le droit au versement par ce dernier d’une indemnité d’éviction, et le plus souvent, d’indemnités accessoires.
En l’absence de définition légale de principes d’évaluation de l’indemnité, les modalités de fixation de l’indemnité d’éviction due par le bailleur au locataire en cas de non renouvellement du bail doivent respecter les usages de la profession du locataire évincé.
Le locataire a un droit au bail et son éviction donne droit à indemnisation au visa de l’article L145-14 du code de commerce qui dispose que :
« Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. »
Concrètement, le montant de l’indemnité d’éviction due par le bailleur au locataire comprend en général :
• A titre principal, l’indemnisation du dommage subi par le locataire au titre de la disparition du fonds de commerce, encore appelée « indemnité de remplacement», en cas de perte de la clientèle attachée au lieu de situation du fonds de commerce,
Ou bien,
• A titre principal toujours, et dans l’hypothèse d’un transfert de fonds de commerce possible sans perte de clientèle par le locataire, une indemnité dite de « transfert ou de déplacement » du fonds,
• A titres accessoires, les éventuels frais normaux de déménagement et de réinstallation ;
•les éventuels frais et droits de mutation à payer pour un fonds de commerce de même valeur ;
•l’éventuelle indemnité de la perte de gains pendant le temps nécessaire à la réinstallation du locataire ;
•l'éventuelle indemnité de licenciement en cas de rupture des contrats de travail du personnel salarié (uniquement en cas de disparition définitive du fonds ou de réinstallation lointaine).
En revanche, le montant de l’indemnité d’éviction ne peut pas comprendre :
•le prix du matériel, mobilier et droits incorporels car ils restent la propriété du locataire évincé ;
•l’acquisition d’un nouveau pas-de-porte ;
•les aménagements et travaux réalisés dans le local ;
•les impôts dus au titre des plus-values ;
•le préjudice moral.
On sait que la valeur vénale du fonds de commerce constitue en toutes circonstances le plafond de l’indemnité principale à laquelle le locataire évincé peut prétendre ;
Que le fonds à prendre en considération est celui du locataire évincé étant précisé que seules seront prise en compte les activités expressément visées à la clause destination du bail ;
Que les résultats chiffrés de l’exploitation d’activités non autorisées par le bail n’entrent pas dans le périmètre d’indemnisation ;
Que la consistance du fonds à évaluer doit être appréciée à la date d’effet du refus de renouvellement, bien qu’il existe un certain flou jurisprudentiel sur ce point ;
Que le préjudice à indemniser étant celui subi du fait de l’éviction, son évaluation doit être faite au moment ou le préjudice est réalisé, c’est-à-dire à la date la plus proche du jour auquel devient effective l’éviction, soit à la date d’éviction elle-même, soit à la date ou cesse d’occuper régulièrement le locataire des lieux, soit à la date à laquelle le juge sur le montant de l ’indemnité statue le locataire n’ayant pas encore quitté les lieux ;
Qu’une réactualisation de la valeur du fonds exploité à indemniser estimée à l’origine est cependant toujours possible dans le cas d’une prolongation de la procédure jusqu’à ce que le juge statue et même postérieur au rapport d’expertise.
Un arrêt récent rendu par la Cour de cassation le 5 février 2014 (Cass. Civ.3, 5 février 2014, n°13-10174) a apporté des éclaircissements sur la question de la méthode d’évaluation à retenir étant rappelé l’absence de définition légale de principes dévaluation.
Un locataire ayant reçu un congé au terme de son bail et ayant trouvé le montant de l’indemnité d’éviction insuffisant, car il avait été retenu par la cour le montant hors taxes du chiffre d’affaires de l’activité du locataire a alors formé un pourvoi en cassation.
Il a reproché aux juges de la cour d’appel d’avoir retenu que la taxe sur la valeur ajoutée ne devait pas être incluse dans le chiffre d’affaires servant de base au calcul de l’indemnité d’éviction et ce sans rechercher si l’usage de la profession commandait d’inclure cette taxe dans le chiffre d’affaires.
Ce raisonnement a eu les faveurs de la Cour de cassation qui, en donnant raison au locataire a considéré que :
« le fait qu’une indemnité réparatrice ne soit pas soumise à une taxe sur la valeur ajoutée ne fait pas, en soi, obstacle à la prise en compte pour sa fixation, d’éléments comptables arrêtés toutes taxes comprises et que la détermination de la valeur marchande du fonds de commerce s’effectue selon les usages et modalités retenus dans la profession ou le secteur d’activité commerciale concernée ».
Ainsi, pour fixer le montant de l’indemnité due au locataire en cas d’éviction par le bailleur, il convient de retenir notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée selon les usages et modalités retenus dans la profession ou le secteur d’activité commerciale concernée.
En définitive, il résulte de cette nouvelle décision, conforme à l’article L 145-14 du code de commerce visé par la Cour de cassation et rappelé ci avant que l’évaluation de l’indemnité d’éviction due par le bailleur au locataire en cas de non renouvellement du bail commercial sera le plus souvent différente selon les éléments pris en compte pour sa détermination, par les parties ou le juge saisi, et notamment les usages et modalités retenus dans la profession ou le secteur d’activité commerciale concernée.
En tout état de cause, l’évaluation de l’indemnité d’éviction due par le bailleur au locataire en cas de non renouvellement du bail commercial demeure toujours un élément extrêmement délicat à déterminer et qu’il est indispensable pour tout locataire qui se voit refuser le renouvellement de son bail commercial d’être assisté d’un Avocat spécialisé dans le calcul des préjudices subis afin de déterminer, les différents postes et les montants des indemnités y afférentes.
Arnaud BOIX, Avocat Lille
Cabinet ELOQUENCE