BAIL COMMERCIAL :Comment augmenter ou diminuer le montant du loyer ?

12 juillet 2016

Depuis la loi PINEL du 18 juin 2014, l’augmentation est désormais progressive pour les contrats conclus ou renouvelés depuis le 1er septembre 2014, la variation du loyer ne peut conduire à des augmentations supérieures pour une année, à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente.

Un bref rappel historique

Jusqu’au début du 20ième, le commerçant est à la fois propriétaire de son fonds de commerce et propriétaire de l’immeuble. Cependant petit à petit, une dissociation est effectuée et des baux sont mis en place. La législation commune étant insuffisante pour protéger le fonds de commerce, une législation spécifique appelée « propriété commerciale » jusqu’à l’abrogation du décret du 30 septembre 1953 est adoptée.

Au moment de la conclusion du bail commercial, le prix est fixé, très souvent à la valeur locative, librement par les parties et accepté par elles à condition qu’il soit réel et sérieux, mais les baux soumis au statut des baux commerciaux étant conclus généralement pour une longue durée (au moins 9 ans), des mécanismes de révision à la fois conventionnel (indexation à la hausse et à la baisse, clause recette, fixation à la valeur locative…) et légaux (révision triennale) sont prévus afin de permettre d’adapter ce prix en cas de variation trop importante.

Enfin, tout récemment en 2014, le législateur est encore intervenu pour « plafonner le déplafonnement » à l’occasion d’une révision triennale du loyer ou lors du renouvellement du bail commercial.

• La révision légale du prix du loyer commercial (art L 145-38 du Code de commerce)

En cours de bail commercial et à chaque échéance triennale du bail, Il existe tout d’abord un mécanisme légal de révision du loyer commercial prévu par l’article L145-38 du code de commerce qui dispose que la première demande de révision du loyer peut intervenir trois ans après la date d’entrée en jouissance du locataire.

La loi PINEL de 2014 a permis d’alléger le formalisme rigoureux qui existait en la matière en admettant à côté de l’exploit d’huissier, la possibilité de faire cette demande par lettre recommandée avec accusé de réception. De même, ce principe est d’ordre public comme l’a notamment affirmée la Cour de cassation dans un arrêt en date du 18 juin 2013 (n°12-20.241). Cette révision triennale est de plus très importante car la demande peut émaner à la fois du bailleur et du preneur. Les deux parties ont donc la possibilité d’obtenir une révision du prix sur ce fondement légal.

L’article L145-33 prévoit par principe, que le loyer révisé doit être égal à la valeur locative. Cependant, l’article L145-38 du code de commerce, prévoit un plafond par dérogation à l’article L145-33 du code de commerce : le loyer révisé ne peut pas excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer.

Pendant très longtemps, à côté de cet indice, celui du coût de la construction était souvent retenu, cependant, la loi PINEL du 18 juin 2014 a fait disparaitre la prise en compte de ce dernier, bien qu’il existe encore des exceptions permettant de le faire appliquer. Le loyer sera alors fixé à la valeur locative lorsque celle-ci se situe entre le loyer en cours et le loyer résultant de l’application de l’indice.

De plus, la procédure de révision triennale est applicable à tous les baux soumis au statut des baux commerciaux et ce même s'ils contiennent une clause d'échelle mobile comme l’a affirmé la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 22 févier 1960.

Cependant, il est possible qu’il y ait un déplafonnement et que le loyer soit fixé au-delà de son montant par le jeu de l’indice.

En effet, s’il y a une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant elle-même entrainée une variation de plus de 10% de la valeur locative du local, le plafond est alors écarté. Lorsque le loyer est déplafonné on en revient à la valeur locative.

Une autre condition est que le local doit être affecté par la modification des facteurs locaux de commercialité : elle doit présenter un intérêt pour le commerce considéré.

Ce point étant à l’appréciation des juges un rapport d’expert argumenté et illustré est indispensable au soutien des demandes faites dans ce sens.

Depuis la loi PINEL du 18 juin 2014, l’augmentation est désormais progressive pour les contrats conclus ou renouvelés depuis le 1er septembre 2014, la variation du loyer ne peut conduire à des augmentations supérieures pour une année, à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente.

Quelques exemples de facteurs de commercialité pouvant justifier une baisse du prix du loyer commercial :

- Bureaux vacants à proximité du local
- Baisse significative du nombre d’habitants ou de salariés exerçants aux alentours
- Baisse du trafic des transports publics
- Fermeture des commerces avoisinants
- …

Quelques exemples de facteurs locaux de commercialité pouvant justifier une augmentation du prix du loyer commercial :

- Augmentation de la clientèle du commerce par construction d’immeuble avoisinant
- Rénovation du quartier
- Création d’un nouvel arrêt d’autobus
- Création d’un quartier piéton
- …

• La révision du prix du loyer par une clause contractuelle (à la hausse comme à la baisse) :

Le bail commercial étant une convention, si les parties sont d’accord, il est possible de modifier le prix en cours d’exécution du bail. Cependant, il est aussi possible d’inclure une clause dans le contrat au moment de la conclusion du bail pour faciliter les débats futurs.

 La clause d’échelle mobile:

La clause d’échelle mobile appelée couramment clause d’indexation est une clause insérée dans un contrat  qui prévoit que le loyer va évoluer automatiquement à la hausse ou à la baisse en fonction de l’augmentation ou de la diminution d’un indice déterminé. L’article 145-39 vient encadrer cette pratique et prévoit que la révision peut être demandée chaque fois que le prix du loyer d’origine ou antérieur se trouve augmenté ou diminué d’un quart (25%) par rapport au prix antérieurement fixé.

Cette solution aussi confirmée par la Cour de cassation qui par exemple, dans un arrêt en date du 9 juillet 2014 (2014-016168) est venue affirmer que « Par dérogation à l'article L. 145-38 du code de commerce, si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire ».

Trois conditions doivent être réunies donc : une clause d’indexation, une variation de plus de 25% du loyer en application de cette clause et une valeur locative en baisse (appréciée sur le rapport d’un expert en la matière guidé par un avocat d’éloquence) !

Votre demande devra être faite par exploit d’huissier en indiquant la valeur de loyer réclamé.

Cette clause d’échelle mobile est valable dans les conditions de droit commun, cependant, depuis la loi PINEL de 2014, la variation ne peut dorénavant pas conduire à des augmentations supérieures pour une année à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente. Deux conditions sont à respecter pour sa validité  : la stipulation d’un indice valable (différent selon la nature des locaux) et la périodicité annuelle. De plus, lorsqu’une clause d’échelle mobile est prévue uniquement lorsqu’une augmentation de loyer est nécessaire ou à la hausse, le preneur peut contester cette clause d’indexation.

 La clause recette :

Cette clause a pour objectif de faire varier le loyer du bail commercial en fonction du chiffre d’affaires dégagé par l’activité. Cette clause est très souvent insérée dans les baux commerciaux se situant dans des centres commerciaux, et permet au locataire, en principe, de démarrer son activité avec un loyer assez faible, mais qui assure au bailleur une augmentation du loyer en cas de croissance de l’activité.

Les règles de révisions du prix en application de cette clause des parties au bail sont généralement communes pour le bailleur et le preneur puisqu’elles permettent à la fois la diminution et l’augmentation du prix du loyer. Cependant, certaines règles sont spécifiques à chaque cocontractant.

 Mécanisme permettant au bailleur d’augmenter le prix du bail commercial

En dehors des règles précédemment étudiées certains mécanismes permettent au bailleur de procéder à une augmentation du loyer. Cela concerne notamment la déspécialisation du bail. Celle-ci peut être totale ou partielle.
Par déspécialisation partielle, il faut entendre la faculté pour le locataire d’étendre son activité à des activités connexes ou complémentaires comme le prévoit l’article L145-47 du code de commerce.


Cette déspécialisation est d’ordre public. Cependant, lors de la révision triennale, le bailleur peut tenir compte de cette activité connexe pour fixer un nouveau loyer.

La déspécialisation totale quant à elle consiste à un changement d’activité ou à l’adjonction à l’activité principale d’une activité différente, dès lors, si le bailleur accepte cette déspécialisation, il peut en contrepartie augmenter le loyer et ce sans limitation par un montant plafond.

De même, si la surface des locaux a augmentée dans des proportions notables le propriétaire peut augmenter le loyer dans les mêmes conditions que vues précédemment.

Enfin, si le propriétaire effectue des travaux qui améliorent le bien, il peut demander au preneur une augmentation du prix à condition, que cette amélioration soit notable.

 Mécanisme permettant au locataire de diminuer le prix du bail commercial

La Cour de cassation dans un arrêt en date du 5 novembre 2014 a rappelé que le locataire peut obtenir une baisse du loyer, si le loyer est plafonné, lorsque celui-ci est supérieur à la valeur locative des locaux occupés après la révision suivant l’indice contractuel.

De plus, si cela est autorisé dans le contrat de bail, le locataire peut trouver des sous-locataires peut pour réduire le cout du loyer, ce qui est la meilleure solution lorsque le propriétaire est inflexible, étant précisé qu’il faut veiller à la validité de la sous location et au prix du sous loyer demandé afin de ne pas s’exposer à des contremesures du bailleur qui annihileraient tout effet à la sous location du local.

Vous l’aurez compris les moyens de faire baisser ou augmenter le loyer d’un bail commercial sont nombreux et ceux cités ci avant ne sont pas exhaustifs. Cependant toute action dans un sens ou dans l’autre, que l’on soit locataire ou bailleur, doit être bien réfléchie et ne peut se passer de professionnels en la matière (cabinet d’avocat, expert immobilier…)

Arnaud BOIX
Avocat Associé

 


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