Société CIVILE et contribution aux pertes des associés, attention aux idées reçues

04 juillet 2023

Les associés de société civiles sont tenus aux pertes de la société et ne sont pas limités par leurs apports en capital comme dans les sociétés commerciales.

Toutefois cette règle est plus complexe dans la réalité.

Dans un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 15 février 2023, les juges ont rappelé que les associés d’une société civile ne sont tenus aux pertes qu’au moment de la liquidation dans le cas où aucune clause contraire n’a été prévue dans les statuts (Cass. Com. 15 février 2023, n°20-22.018).

La contribution aux pertes 

La contribution aux pertes est la quote-part qui incombe à chaque associé dans le montant des pertes de la société.

Cette contribution est illimitée, elle n’est pas limitée au montant des apports en capital.

Pour rappel, la contribution aux pertes des associés d’une société civile immobilière ne concerne que les rapports entre eux ou la société, c'est-à-dire son fonctionnement interne, tandis que l’obligation aux dettes vise les rapports entre les associés avec des tiers à la société.

L’article 1832 alinéa 3 du Code civil dispose que “les associés s’engagent à contribuer aux pertes” sans préciser à quel moment de la vie sociale cette contribution aux pertes doit avoir lieu.

La Cour de Cassation s’est déjà prononcée sur la question et considère qu’au cours de la vie sociale, les associés ne sont obligés de contribuer aux pertes que si les statuts l’ont prévu. C’est ce qu’il ressortait d’un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 3 mars 1975 à propos d’une société en nom collectif.

Dans le cadre d’une action en paiement d’un compte courant d’associé débiteur, le délai de prescription est de 5 ans et court à compter de l’exigibilité du compte : au moment de la demande de remboursement ou de la clôture du compte courant (Cass. 1ère civ., 27 juin 2018, n° 17-18893).

Le compte courant d’associé

Le compte courant d’associé permet à une société de bénéficier de la part de ses associés d’apports en compte courant. Ce ne sont pas de véritables apports au sens juridique mais des crédits consentis par les associés à la société. 

Au cours de la vie sociale, les statuts d’une société civile peuvent prévoir que les comptes courants des associés sur lesquels seront portées les pertes présenteront un solde débiteur. En effet, les comptes courants d’associé débiteurs ne sont pas interdits dans les sociétés civiles.

Ce n’est par ailleurs pas le cas de toutes les sociétés puisque, par exemple, dans les sociétés de capitaux, le solde du compte courant d’associé ne doit jamais être en position débitrice au risque de caractériser une convention interdite. Cela serait sanctionné par la nullité absolue de l’opération.

A ce titre, le fait pour le gérant d’une SARL de conserver en position débitrice le solde de son compte courant d’associé pendant plusieurs exercices peut justifier sa révocation (Cass. Com. 27 mai 2015, n°14-14540).

La décision de la Cour

Dans l’arrêt rendu le 15 février 2023 par la chambre commerciale, la question se posait de savoir si une société civile pouvait pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires d’un associé minoritaire en garantie de la créance correspondant au solde débiteur de son compte courant d’associé.

Par une ordonnance du juge de l’exécution, la société a été autorisée à pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes de l’associé minoritaire pour garantir la créance qui résultait du solde débiteur de son compte courant d’associé. 

En l’espèce, le solde débiteur du compte courant de l’associé résultait de l'affectation des pertes de la société.

Les juges d’appel rétractent l’ordonnance du juge de l’exécution et ordonnent la main levée de la saisie conservatoire. La société se pourvoit ainsi en cassation.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, par arrêt du 15 février 2023, rappelle que toute personne disposant d’une créance fondée peut demander au juge le droit de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes de son débiteur si elle justifie de circonstances qui en menacent le recouvrement, mais casse l’arrêt au motif qu’en cours de vie sociale, le solde débiteur du compte courant d’associé résultant de l’affectation des pertes ne constitue pas une créance exigible sauf si cela était prévu expressément dans les statuts.

A l’inverse, une SCI peut intenter une action en paiement contre l’un de ses associés dont le compte courant est en position débitrice lorsque celle-ci résulte de l’affectation des pertes dès lors qu’une clause statutaire prévoit que le bénéfice d’un exercice est acquis immédiatement aux associés en étant inscrit en compte courant et que “les pertes, s’il en existe, sont supportées également, immédiatement et intégralement et sont réparties entre les associés” (Cass. Com. 9 juin 2004, n°01-12.887).

La contribution aux pertes sociales d’une SCI peut aussi trouver son origine dans une décision unanime des associés ; l’unanimité étant requise puisque cette décision augmente leurs engagements. 

Toutefois, dès lors que les statuts ne prévoient pas une répartition des pertes entre associés au cours de la vie sociale de la société, comme cela était le cas en l’espèce, la contribution des associés aux pertes ne peut être exigée qu’à la liquidation de la société. Et dans ce cas seul le liquidateur peut agir contre les associés.

Enfin, la Cour rappelle que le solde débiteur d’un compte courant d’associé qui résulte de l’affectation des pertes de la société aux comptes courants des associés ne constitue pas une créance exigible durant la vie sociale de la société mais que cette créance n’est exigible qu’à la liquidation de la société.

Etant précisé que l’article 1382 du code civil n’exige pas la liquidation préalable de la société pour engager la mise en œuvre de la contribution aux pertes des associés. Il peut donc être envisagé de prévoir des dispositions qui imposent aux associés de contribuer partiellement en cours de vie sociale pour assurer le bon fonctionnement de la société.

Pour conclure, la rédaction statutaire est donc fondamentale pour éviter cet écueil puisque rien n’interdit aux associés de prévoir cette contribution aux pertes anticipée.

L’importance de cette rédaction est bien souvent sous-estimée par les associés…

Alexandra SIX

Avocat Associée

Droit des affaires

 


Retour vers les actualités






Back To Top