25 avril 2017
Ce sujet sensible est souvent oublié par les rédacteurs de statuts de société, il est pourtant impératif de prévoir les modalités afin d’éviter des déconvenues.
La question de la rémunération des dirigeants sociaux renvoie à l’analyse des dispositions prévues, à l’origine, par la loi du 24 juillet 1966 et par le décret du 23 mars 1967.
Si ces textes ont prévu des dispositions relatives à la rémunération des dirigeants de sociétés anonymes et de sociétés en commandite par actions, pour les autres sociétés en revanche et notamment les SARL, aucune disposition particulière n’existe.
Dans le silence des textes, les juges du fond ont longtemps hésité sur la procédure applicable à la détermination de la rémunération des dirigeants :
- Délibération de l’assemblée des associés (article L.223-18 Code de commerce) ;
- Convention règlementée (Article L.223-19 du Code de commerce) ;
- Convention « courante » qui ne nécessite aucune autorisation (Article L.223-20 du Code de commerce).
Le débat a été tranché par la Cour de cassation à l’occasion de deux litiges portant sur la participation d’un gérant associé au vote sur sa propre rémunération (Cass. com., 4 mai 2010, n°09-13.205 et Cass. com., 4 octobre 2011, n°10-23.398). Aux termes de ces arrêts, la Haute juridiction considérait que la rémunération du gérant ne procédait pas d’une convention.
Plus récemment, au visa de l’article L.223-18 du Code de commerce, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel « la rémunération du gérant d’une SARL est déterminée soit par les statuts, soit pas une décision de la collectivité des associés » (Cass. com 25 septembre 2012, n°11-22.754).
Les associés conviennent donc librement dans les statuts ou par une décision collective des associés des modalités de fixation et de versement de la rémunération du gérant.
Toutefois, la détermination de la rémunération par les statuts est un procédé rigide qui implique des modifications statutaires à chaque évolution de la rémunération et au respect des formalités de publicité requises en conséquence ; sauf à fixer une règle de détermination qui puisse s’appliquer sans qu’une modification de ceux-ci soit nécessaire.
En pratique, la rémunération est souvent déterminée par la collectivité des associés qui doit faire l’objet d’une délibération sur son montant et son principe.
Dans cette hypothèse, il convient d’être rigoureux sur les modalités de mise en œuvre.
Sur ce point, un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 15 mars 2017 (n°14-17.873) a considéré que les statuts d'une SARL prévoyant la détermination de la rémunération du gérant par décision collective ordinaire étaient respectés dès lors que la rémunération était mentionnée dans un rapport signé par les associés et annexé au procès-verbal d'assemblée générale.
En l’espèce, en 2004, deux personnes physiques avait constitué une SARL, dont ils détenaient respectivement 80 % et 20 % du capital et dont l'associé majoritaire était le gérant.
Contestant la régularité des rémunérations perçues par le gérant entre 2005 et 2008, l’associé minoritaire l’avait assigné aux fins d’obtenir la condamnation du gérant au remboursement de ces rémunérations. L’associé minoritaire estimait que les statuts, qui prévoyaient que la rémunération du gérant était déterminée par décision collective ordinaire des associés, n'avaient pas été respectés.
La Cour de cassation a rejeté cette demande pour la rémunération perçue en 2005.
En effet, elle a jugé que les dispositions statutaires avaient été respectées car, à l'issue de l'assemblée générale d'approbation des comptes de 2005 tenue en 2006, les deux associés avaient signé le rapport sur les conventions réglementées qui précisait le montant de la rémunération versée au gérant au cours de l'exercice clos. Ce rapport avait été annexé au procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire.
Elle a donc considéré qu’il y avait bien un accord des associés.
En revanche, concernant les rémunérations perçues de 2006 à 2008, la Cour de cassation a censuré la décision de la cour d'appel de Bordeaux du 21 octobre 2013 car le gérant n'avait pas régulièrement convoqué puis réuni l'assemblée de la société en vue de faire approuver les comptes des exercices 2006 et suivants, conformément aux dispositions résultant des statuts de la société.
En conséquence, il n’y avait pas eu de détermination de la rémunération du gérant par décision de la collectivité des associés et ce, nonobstant le fait que les rémunérations versées après cette date n'aient pas été exagérées au regard de celles versées en 2005.
Selon la Cour de cassation, la cour d’appel, n’ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 223-18 du Code de commerce et l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
Dès lors, si la rémunération n'a pas vocation à changer d'une année sur l'autre, il est préférable dans la décision collective qui fixe cette rémunération, de ne pas préciser qu'elle est attribuée au titre d'un exercice précis et d'ajouter, par exemple, que ce montant demeurera inchangé jusqu'à nouvelle décision des associés.
En pratique, cette décision est l'occasion de rappeler qu’une règle claire doit être mise en œuvre au sien de la société, selon sa configuration capitalistique et qu’elle doit être scrupuleusement respectée pour éviter des conflits sur ce sujet sensible.
Alexandra SIX
Avocat