Rupture brutale des relations commerciales, dépendance économique et préavis

31 mars 2017

 

Rupture brutale des relations commerciales, dépendance économique et préavis:

 

Aux termes d’un arrêt récent rendu le 4 octobre 2016 (n°15-14025), la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue apporter des réponses importantes s’agissant de la durée et de l’exécution du préavis et donc du montant de l’indemnisation du préjudice subi par la victime de la rupture brutale d’une relation commerciale établie.

 

L’article L 442-6 I 5e du Code de commerce, sanctionne le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Le contentieux en matière de rupture brutale des relations commerciales est abondant et la jurisprudence est assez établie s’agissant des conditions d’indemnisation du préjudice subi par la victime.

 

En effet, de manière classique la jurisprudence a tendance à accorder en moyenne un mois de préavis par année d’ancienneté, en prenant pour base de calcul, la marge brute réalisée sur la moyenne du chiffre d’affaires des trois dernières années entre la victime et l’auteur de la rupture brutale.

 

La question de la dépendance économique de la victime est diversement appréciée par les Juges, selon que la victime subi la dépendance ou qu’elle en est à l’origine.

 

La dépendance économique résulte notamment de la difficulté pour la victime de la rupture, d’obtenir des produits équivalents dans des conditions économiques comparables.

 

Dans cet arrêt, les parties étaient en relation d’affaires établies depuis 16 ans, lorsque le fournisseur a notifié la rupture des relations. Il convient de préciser que les parties étaient situées sur un marché particulier caractérisé par un duopole.

 

Sur le fondement de l’article L 442-6 I 5e du Code de commerce, le préavis s’apprécie en fonction de la durée de la relation commerciale, mais également d’autres critères ou circonstances propres à chaque affaire, notamment l’état de dépendance économique, du partenaire évincé au moment de la notification de la rupture.

 

Lorsque la dépendance économique est subie (en l’espèce résultant de la structure de marché) et qu’elle place la victime dans une situation de difficultés particulières pour obtenir de nouveaux débouchés, la durée de préavis doit être allongée. Ici la Cour d’appel puis la Cour de cassation ont considéré qu’un préavis de 16 mois était insuffisant et que le préavis aurait dû être de 36 mois.

 

Cet arrêt apporte également une réponse sur la question de l’inexécution du préavis. En matière de rupture brutale des relations commerciales, le préavis a pour objet de permettre à celui qui subit la rupture de trouver de nouveaux partenaires ou de se reconvertir. Outre la durée du préavis, cet arrêt pose comme principe que celui-ci doit être effectivement maintenu (c’est-à-dire sans diminution de volume) et doit être exécuté de bonne foi et dans les conditions convenues (c’est-à-dire en permettant pendant cette période à la victime d’exercer normalement son activité).

 

Enfin, cet arrêt précise que la victime d’une rupture brutale des relations commerciales n’a pas à minimiser son préjudice. En l’espèce, l’auteur reprochait à la victime de ne pas avoir entrepris de démarches, en vue de se réorganiser pendant la période de préavis initiale de 16 mois. La Cour de cassation a considéré qu’il ne devait pas être tenu compte des circonstances postérieures à la rupture et de l’éventuelle négligence de la victime.

 

Dès lors, quelles qu’aient pu être les démarches ou non de la victime, la Cour n’avait pas à en tirer de conséquence quant à l’appréciation de la durée de préavis nécessaire, fixé ici à 36 mois pour 16 années de relations commerciales, en tenant compte de la spécificité du marché et de la dépendance économique à laquelle était soumise la victime.

 

Bien qu’il s’agisse d’un cas d’espèce assez spécifique, cet arrêt est riche d’enseignements sur les questions relatives à la durée de préavis et donc à l’indemnisation potentielle de la victime placée dans une situation subie de dépendance économique, aux conditions d’exécution du préavis par l’auteur mais également par la victime de la rupture.

 

Cass Com 4 octobre 2016 (RG : 15-14025)

 

 

 

Hadrien DEBACKER

 

Avocat Associé Cabinet ELOQUENCE

 

 

 


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