Quelle est la portée du quitus donné au gérant en assemblée générale ?

23 novembre 2021

Bien qu'il n’existe aucune obligation légale en la matière, il est d’usage, lors de chacune des assemblées générales d’approbation des comptes annuels, de prévoir une résolution qui vise à approuver la gestion du gérant ou du président en lui donnant "Quitus".

Cette notion signifie normalement que les associés valident, ou en tous cas, n’ont cause d’opposition, à la gestion de l’exercice écoule ; ce qui laisse à penser qu’ils le déchargent de responsabilité à ce titre.

Or, cette valeur donnée au quitus ne transparait pas ni le Code civil et ni dans le Code de commerce.

La question se pose de déterminer quelle est la véritable portée de ce quitus et par là même si la décision de l'assemblée des associés peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l'accomplissement de leur mandat ? 

C’est à cette question que répond l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, du 27 mai 2021 (Cass. 3e civ. 27-5-2021 n° 19-16.716 FS-P).

En l’espèce de l’affaire précitée, les associés d’une Société Civile Immobilière (SCI) reprochaient à leur ancien gérant une faute de gestion à la suite de la vente de l’un de ses immeubles à un prix substantiellement inférieur à celui qu’ils avaient pu obtenir sur un bien similaire. Ceux-ci demandent alors réparation du préjudice résultant de cette vente qu’ils estiment à prix dérisoire, par le biais de l’action Ut singuli. Action par laquelle un ou plusieurs associés poursuivent, au nom de la société, le représentant légal de celle-ci en raison des fautes qu’il aurait commises et dont cette dernière serait victime.

Cependant, les associés avaient connaissance de l’acte de vente litigieux et des circonstances qui l’entouraient, et avaient en outre donné quitus au gérant par une résolution prise en assemblée générale. 

C’est sur ce point que le dirigeant basera son argumentaire de défense pour soutenir son absence de responsabilité. En effet, ce dernier soutenait que le quitus rendu par les associés avait un effet libératoire à son profit, le dédouanant de toute faute de gestion et sur ce fondement, il  fait grief à la Cour d’appel de BASTIA de l’avoir condamné. Il se fonde sur l’article 1998 du Code civil qui dispose que le « mandant est tenu de ce qui a pu être fait au-delà des pouvoirs conférés au mandataire, seulement s’il l’a ratifié expressément ou tacitement ». 

Il reproche donc à la Cour un défaut de base légale, celle-ci n’ayant pas recherché si l’assemblée des associés avait bien connaissance de la vente litigieuse.  

Il était déjà considéré que le quitus donné au gérant ne le libérait pas de l’action individuelle menée par un associé pour l’obtention de la réparation d’un préjudice personnel (Civ, 3ème, 4 novembre 1976, n°75-11.366). La portée de cet arrêt désormais ancien était toutefois incertaine, notamment dans le cadre de  l’action Ut singuli. 

Mais, depuis la loi du 5 Janvier 1988 relative au développement et à la transmission des entreprises, le dernier alinéa de l’article 1843-5 du Code civil prévoit qu’ «aucune décision de l’assemblée des associés ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l’accomplissement de leur mandat ». 

Dans un arrêt du 8 mars 2016 (Cass. com. 8-3-2016), il avait déjà été jugé que le dirigeant ayant fait approuver par l’assemblée générale, la cession du fonds de commerce d’une société, à un prix inférieur à sa valeur, ne pouvait échapper à sa responsabilité en invoquant la décision collective ressortie de cette assemblée. 

Les juges de la Cour de cassation, saisi de cette question sous l’angle de l’action ut singuli, ont considéré que le quitus donné par l’assemblée n’avait aucun effet libératoire au profit du dirigeant pour les fautes commises dans sa gestion et répond donc aux interrogations relatives à sa portée.

Cette solution est parfaitement transposable aux sociétés commerciales.

En effet, si l’article 1843-5 du Code civil prévoit le réputé non-écrit pour toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action et qu’aucune décision de l'assemblée ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour faute commise dans l'accomplissement de leur mandat. Les articles L.223-22 et L.225-253 du Code de commerce, reprennent exactement la même solution, concernant respectivement les SARL et les sociétés par actions.

Ainsi,  le quitus donné au gérant, n’a qu’une portée relative et ne suffit pas à exonérer la responsabilité du gérant ou du représentant légal au titre d’une décision de gestion. Il convient selon les cas de procéder par des décisions spécifiques et d’avantage engageantes pour les associés.

Alexandra SIX

Avocat droit des affaires

 


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