23 novembre 2020
C’est là, la principale originalité d’une récente décision de Cour d’Appel en matière de bail commercial qui consacre également indirectement l’importance de la clause de destination du bail et de l’obligation de délivrance à la charge du bailleur.
En reconnaissant l’interdépendance du bail et des contrats de prêts subséquents souscrits par le locataire exploitant, une récente décision de Cour d’Appel marque une nouvelle étape dans la reconnaissance de l’indépendance entre plusieurs contrats.
La jurisprudence reconnaît depuis longtemps l’existence d’une interdépendance entre le contrat de vente et le prêt finançant l’achat (Cass. 1e civ. 10-9-2015).
Aux termes d’une décision de la CA Rennes 9-9-2020, il a été annulé un bail commercial pour dol du bailleur et par voie de conséquence il a été annulé les prêts souscrits par le locataire pour les besoins de l’activité qu’il devait exercer dans les locaux.
Cette décision consacre le contrat de bail et les contrats prêts comme interdépendants.
C’est là sa principale originalité mais pas seulement !
Les faits sont les suivants : Ayant pris en location un local récemment construit situé dans un ensemble commercial pour un usage exclusif de commerce alimentaire, le preneur découvre qu’il ne pouvait pas exploiter son commerce dans les locaux loués.
La Commission départementale d’aménagement commercial a estimé que le local loué par le locataire ne pouvait être destiné à un commerce alimentaire.
La clause de destination du bail dit l’activité et rien que l’activité pouvant être exercé dans les locaux par le preneur (Je vous renvoie à mon article sur l’importance extrême de la clause de destination dans le bail commercial).
Avec raison, le locataire sollicite l’annulation du bail commercial pour dol en même temps que l’annulation des prêts qu’il a souscrits pour financer ses besoins en fonds de roulement et l’aménagement des locaux.
La Cour d’Appel de Rennes a fait droit à toutes ses demandes en estimant que le bailleur avait commis une réticence dolosive en signant le bail commercial sans informer le locataire de l’impossibilité d’exploiter un commerce alimentaire dans les locaux.
Le bailleur soulignons-le ne respecte pas non plus ce faisant son obligation de délivrance dont la nature rappelons-le est absolue (je vous renvoie à mon article antérieur sur le caractère absolu de l’obligation de délivrance du bailleur).
Cette décision est en soi à la hauteur de la dissimulation comme de la violation par le bailleur de sa principale obligation en matière de bail commercial.
En effet, l’exercice d’un commerce alimentaire étant l’élément déterminant du consentement du locataire à la prise à bail des locaux associé au bail précisant très scrupuleusement la destination des locaux, la carence du bailleur est d’autant plus grave.
Cette sanction s’explique également par le fait que le bailleur était un professionnel de la location, donc présumé parfaitement connaître les biens loués, matériellement et juridiquement, pour lesquels il avait reçu une autorisation d’exploitation commerciale de l’administration en charge, avec une affectation particulière, exclusive d’une exploitation à des fins alimentaires.
Mais nul doute compte tenu des circonstances qu’elle serait également appliquée dans des circonstances similaires ou proches à un bailleur non-professionnel tant les carences portent sur des obligations fondamentales.
L’autre portée de cette décision réside dans l’appréciation par la CA de Rennes de qui constitue une opération économique unique et globale entre le contrat de bail et les contrats de prêts souscrits en vue de cette destination.
A cette fin, elle a relevé que :
Tous les prêts ont contracté pour les besoins de l’activité du locataire.
Tous les contrats de prêts aux termes de leurs conditions particulières des prêts mentionnaient qu’ils étaient affectés à une destination, à une activité spécifique.
La garantie de leur paiement était constituée par un nantissement du fonds de commerce du locataire.
Or sans exploitation possible des locaux, le fonds de commerce n’était donc pas une garantie viable.
En prenant cette décision, la CA s’inscrit à mon sens dans le régime tel qu’il est issu de l’article 1186 al 2 du Code Civil applicable au contrat bail neuf ou renouvelé depuis l’entrée en vigueur de ses dispositions le 1er octobre 2016, qui dispose que lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.
Elle permet également de se rappeler des principales obligations en matière de bail commercial pesant sur le bailleur.
Il aurait pu sans doute en être autrement si l’absence d’information du bailleur avait porté sur celles de ses obligations aux termes du bail mois prégnantes.
Néanmoins à chaque cas d’espèce sa décision.
Arnaud BOIX