17 mai 2025
Il s’agit d’une solution de financement souple et rapide pour la société, moins contraignante qu’une augmentation de capital ou un emprunt bancaire. Mais attention aux modalités de remboursement notamment en cas de conflits entre associés. Ses modalités de fonctionnement méritent quelques rappels pour protéger à la fois les intérêts de la société et ceux des associés.
I. Le compte courant d’associé et sa rémunération
Le compte courant d’associé, notion définie par une réponse ministérielle, est un mécanisme par lequel un associé, un dirigeant ou parfois un salarié met à disposition de la société des fonds sous forme d’avances, afin de répondre à ses besoins de trésorerie. Ces avances sont assimilées à des prêts consentis par l’associé à la société, et non à des apports en capital : elles sont donc inscrites au passif du bilan comme une dette de la société envers l’associé
Il ne s’agit pas d’un compte bancaire, mais d’une écriture comptable dans les livres de la société, au nom de chaque associé concerné.
Le compte courant d’associé est assimilé à un prêt qui peut être à durée indéterminée ou déterminée suivant les dispositions prévues ou non au sein des statuts ou de la convention.
Le compte courant doit être créditeur (la société doit de l’argent à l’associé). Un compte courant débiteur (l’associé doit de l’argent à la société) est interdit pour les personnes physiques associées ou dirigeantes de SARL, SA ou SAS
Les modalités de rémunération du compte courant d’associé
Elles sont prévues généralement par les statuts ou dans une convention de compte courant, c’est à dire un contrat conclu entre la société et le ou les associé(s).
Sa rémunération est versée sous forme d'intérêt. Chaque année l'administration publie le taux d'intérêt maximum déductible pour la société.
Il est rappelé que la convention de compte courant d'associé rémunérée peut être considérée comme une convention réglementée, il convient donc de respecter le formalisme adapté.
En l’absence de stipulation expresse, aucune rémunération ne sera due à l’associé prêteur.
Les personnes pouvant réaliser des avances en compte courant : extension par la loi PACTE
Les comptes courants d'associés jouent un rôle majeur dans le financement des entreprises.
Par ailleurs, cet apport est souvent qualifié « d’avance en compte courant » dont la loi PACTE du 22 mai 2019 (LOI n° 2019-486 du 22 mai 2019) a, d’une part, étendu cette avance à d’autres dirigeants et d’une part, supprimé la condition relative à la détention d’un pourcentage du capital social.
En effet, selon l’article L.312-2 du Code monétaire et financier, les dirigeants concernés étaient les gérants, les administrateurs, les membres du directoire ou du conseil de surveillance. L’article 76 de la Loi PACTE l’a complété en visant les directeurs généraux, directeurs généraux délégués et les présidents de SAS.
L’apport majeur de cette loi est la suppression de la condition imposant aux associés de détenir 5% du capital social. Cette modification a permis une réelle simplification du financement des entreprises.
Même si les comptes courants d’associé relèvent du droit commun des obligations, ils sont tenus de répondre à des dispositions impératives au droit bancaire et du droit des sociétés. Toutefois, la liberté contractuelle permet des aménagements conventionnels permettant d’organiser les modalités de fonctionnement des comptes courants d’associés.
En effet, les parties oublient souvent de préciser certaines modalités essentielles au sein de la convention de compte courant telles que la rémunération de l’associé ou encore les modalités de remboursement.
La nature juridique du compte courant d’associé
Par une application du principe de l’autonomie de la volonté contractuelle à la convention des comptes courant d’associé, la Cour de cassation retient depuis 1982 une véritable indépendance des qualifications d’associé et de prêteur. (Cass.Com, 25 janvier 1982)
En effet, la double qualité d’apporteur en capital et d’apporteur en compte courant fait d’une même personne un associé et un créancier. Dès lors, la question de l’indissociabilité ou de l’indépendance des deux statuts s’est posée.
II. Le remboursement de l’associé prêteur
Le principe de l’exercice du droit au remboursement
En principe, sauf dispositions contraires, l’associé prêteur peut réclamer le remboursement des sommes mises à la disposition de la société à tout moment. Ce droit au remboursement doit être respecté peu importe la situation financière de la société conformément au principe de la force obligatoire des contrats.
La demande doit être formulée exclusivement par le titulaire du compte courant d’associé. S’il souhaite y renoncer, sa renonciation doit être non équivoque.
À défaut d'obtenir satisfaction, il devra saisir la juridiction compétente. Cette action en remboursement se prescrit par 5 ans peu importe la nature civile ou commerciale de la société.
Les modalités de remboursement peuvent sont prévues par les statuts ou par une convention spécifique. Ainsi, des conditions peuvent être fixées, elles vont être plus ou moins restrictives et s’imposent à la Société.
Les clauses aménageant le droit au remboursement
Deux clauses permettant de limiter le remboursement de l’associé peuvent être incluses dans la convention.
- La clause de blocage de fonds :
La convention peut prévoir une durée de blocage des fonds afin de différer en partie ou en totalité le droit de remboursement de l’associé prêteur. Cette clause peut également imposer le respect d’un délai de préavis à l’associé pour obtenir le remboursement. En réalité, la rédaction de la clause est libre et permet de s’adapter au cas par cas.
Les statuts peuvent également prévoir que le déblocage est soumis à la validation du gérant au président de la société.
- La clause de rétrogradation ou clause de dernier rang :
Par cette clause, l’associé prêteur ne sera plus un créancier ordinaire mais un créancier sous-chirographaire. Cette modification de rang a pour effet de subordonner le remboursement de la créance à un remboursement antérieur à d’autres créanciers de la société.
Ainsi, l’associé ne pourra être remboursé que lorsque la société sera acquittée de ses dettes auprès des autres créanciers.
En l’absence de disposition spécifique, le remboursement reste la règle à laquelle la société doit se soumettre, elle reste notamment tenue de rembourser l’associé même si elle traverse des difficultés financières. La seule limite susceptible d’empêcher la demande de remboursement est l’abus de droit
Et si la société est en procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), le remboursement des comptes courants d’associés peut être suspendu ou interdit.
En principe, les comptes courants, à l’instar de toutes créances, sont librement cessibles entre associés et à des tiers sous réserve que la qualité d’associé soit également acquise par le cessionnaire.
Dès lors, plusieurs questions se posent et notamment celle du sort du compte courant lorsque l’associé perd sa qualité ?
III. L’impact de la perte de qualité d’associé sur le compte courant par la cession de parts ou d’actions
Au sein d’une convention de compte courant à durée indéterminée :
Lorsqu’un associé cède ses parts sociales ou actions, il perd sa qualité d’associé. Cette perte de la qualité d’associé a en principe pour effet de rendre le compte courant immédiatement exigible.
A défaut de clause spécifique, la convention de compte courant d’associé demeure puisque l’associé ayant perdu sa qualité reste le créancier de la société jusqu’à ce qu’il soit remboursé (Cass. Com, 27 mai 2021)
L’exception par des modalités spécifiques
- Au sein d’une convention de compte courant à durée déterminée :
Comme énoncé précédemment, les parties sont libres de prévoir des modalités spécifiques encadrant le remboursement. Ainsi, la convention peut prévoir le sort des avances en compte courant d’associé si l’associé titulaire décide de céder ces actions ou parts sociales.
Même si la convention prévoit cette perte de qualité d’associé, une question demeure : est-ce que la convention continue de produire des effets à l’égard de l’associé qui a perdu sa qualité ?
En principe, le retrait de l’associé ne met pas automatiquement fin à la convention de compte courant sauf si la convention le prévoit expressément et fait de la qualité d’associé une condition essentielle à la conclusion de la convention.
Ce type de convention continue en principe de produire ses effets tant que la durée de blocage prévue n’est pas arrivée à échéance, même si vous n’êtes plus associé au moment où vous souhaitez obtenir le remboursement.
L’application stricte du principe d’indépendance des qualités d’associé et de créancier
En raison du principe d’indépendance des qualités d’associé et de créancier, le transfert des parts ou actions d’une société à titre gratuit ou onéreux n'entraîne pas celle du compte courant sauf disposition contraire .
La Cour de cassation fait une application stricte de ce principe même si les comptes courants d’associé ont fait partie des négociations et ont été pris en compte par les contractants pour déterminer le prix de cession des parts (cass. Com, 11 janv. 2017). Ainsi, la seule cession des parts sociales par l’associé n’emporte ni la cession de son compte courant ni sa clôture, l’associé cédant conserve donc sa qualité de créancier de la société.
La Cour de cassation a également considéré que le compte courant d’associé n’est pas nécessairement remboursé lorsque son titulaire cède les comptes. L’on peut constater une absence de corrélation entre une cession de parts et le remboursement d’un compte courant d’associé .
La Cour de cassation retient : « qu'en l'absence de stipulation contraire, l'obligation de payer le prix des parts faisant l'objet d'un rachat et celle de rembourser le compte-courant étaient indépendantes l'une de l'autre ». (Cass Com, 12 févr.2025)
Autrement dit, si un associé est en droit de solliciter le remboursement de son compte courant, il n’est pas fondé à utiliser le défaut de remboursement de ce compte afin de justifier la résolution de la convention de rachat de ses parts sociales. Si l’associé souhaite que le remboursement de son compte courant devienne une condition déterminante de la cession de ses parts, il doit l’intégrer expressément dans l’acte de cession.
Dans cette décision, la chambre commerciale rappelle le principe d’indépendance des deux qualités mais surtout la liberté garantie aux parties de faire entrer dans le champ de la convention de cession des conditions différentes à condition qu’elles soient conformes à l’ordre public.
En conclusion : Sauf clause contraire, le compte courant d’associé ne disparaît pas automatiquement. L’ancien associé reste titulaire de la créance inscrite à son nom et peut en demander le remboursement à la société, puisqu’il s’agit d’une dette distincte de la participation au capital. Il est également possible, lors de la cession des titres, de céder le compte courant à l’acquéreur des parts, mais cela doit être prévu expressément dans l’acte de cession.
Afin d’assurer une relation harmonieuse et efficace entre associés et prémunir les difficultés en cas de mésentente, il est essentiel que les parties conviennent et formalisent les modalités de fonctionnement par une convention. Cela permet également de prévoir une clause de médiation en cas de désaccord lors du retrait d’un des associés.
Ce n’est pas une opération anodine, Il est fondamental de vous faire conseiller !
Alexandra SIX
Avocat
et Médiateur chez NOVADEAL
La médiation d'entreprise - Novadeal