La cession d’actions peut-elle être annulée en cas d’erreur ?

26 novembre 2020

Dans une décision du 30.09.2020, la Cour de cassation refuse d’annuler une cession de titres fondée sur l’erreur dès lors que les irrégularités constatées ont pu être régularisées et n’ont pas affectées la poursuite d’activité.

En application des règles de droit commun des contrats, la cession de titres sociaux peut être annulée pour vice du consentement en se fondant sur la violence (physique, ou psychologique), sur le dol, c’est-à-dire par des manœuvres ayant amenés le contractant à consentir à la cession, ou en se fondant sur l’erreur. 

Les textes encadrent juridiquement l’erreur, qui ne peut être source de nullité du contrat de cession qu’à deux conditions : porter sur les qualités essentielles de la prestation due donc sur les titres cédés, ou de la qualité du cédant ou cessionnaire, et ne pas être inexcusable. 

L’article 1110 ancien du Code civil, en vigueur avant la réforme du droit des contrats, précisait justement que « l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ». 

Une cession d’action d’une SA au profit d’une SARL a fait l’objet d’une demande de nullité par la société cessionnaire, au motif que la société dont les titres étaient cédés, présentait des irrégularités constituant une erreur viciant ainsi le consentement de la SARL. 

Au moment de la cession, la loi imposait en effet aux sociétés d’expertise comptable qu’une majorité du capital social, et des droits de vote soient détenus par un expert-comptable, et que le représentant légal ait cette qualité. 

La SARL évoquait alors la répartition du capital en majorité détenue par le Directeur Administratif et Financier (DAF), non expert-comptable, et la direction de fait de la société par ce dernier, outrepassant ses missions en s’immisçant dans les « fonctions déterminantes pour la direction générale » de la SA, en signant notamment des lettres de mission (réservées aux Experts comptables), les augmentations de salaires… 

A double titre, la SARL considérait avoir commis une erreur déterminante de son consentement, au regard de l’irrégularité d’exercice de l’activité par la SA.

En première instance, les juges l’ont débouté en considérant qu’elle avait commis une faute inexcusable faisant obstacle à l’annulation de la cession puisqu’elle était elle-même une société d’expertise comptable se devant d’être vigilante sur l’application de la réglementation en vigueur, et avait eu connaissance des irrégularités invoquées avant même la signature de l’acte. 

La Cour d’Appel de PARIS, le 22 Février 2018 a quant à elle annulé le contrat de cession puisque selon elle, le fait que la SA ne remplissait pas, en tant que personne morale, et avant la cession, les conditions requises pour exercer l’activité d’expertise comptable, caractérisait une erreur sur les qualités essentielles des titres cédés, déterminante du consentement donné par la SARL.

Pour les juges du second degré, la régularité de l’exercice de l’activité d’expertise comptable était bien une qualité essentielle pour l’acquéreur, sans laquelle la SARL n’aurait pas contracté la cession. 

La régularité de constitution et d’exercice de l’activité de la SA était certifiée dans l’acte par les cédants : « Les cédants déclarent et garantissent que la SA (…) a été régulièrement constituée, conformément à la réglementation en vigueur. (…) Elle exerce ses activités conformément à la loi soit l’activité d’expertise comptable et conseils aux entreprises ».

Les juges prononçaient donc la nullité de la cession pour avoir sciemment dissimulé l’irrégularité d’exercice de la société. 

La Cour de cassation est toutefois intervenue le 30 Septembre 2020 (C.com. arrêt n0487- pourvoi 18-18.239), pour casser l’arrêt précité au motif que l’irrégularité dont se prévalait l’acquéreur n’avait pas empêché la société d’exercer son activité économique selon son l’objet social, et que de surcroit, cette irrégularité avait été justement régularisée par ladite cession (puisque l’acquéreur n’était autre qu’une société d’expertise comptable).

L’erreur sur les qualités essentielles de la cession de titres sociaux n’est donc pas source de nullité du contrat lorsque l’irrégularité n’a pas empêché la société d’exercer l’activité économique constituant son objet social sans être inquiétée par le conseil de l’ordre des experts comptables. 

Si néanmoins tel avait été le cas, après injonction de mise en conformité, les cédants auraient bénéficié du délai de 2 ans pour régulariser, ce qui aurait justement pu être envisagé par cession des actions.

En conséquence, l’erreur n’est pas caractérisée dès lors que cette irrégularité non dévoilée au jour de la cession n’a pas eu de conséquence pour l’acquéreur qui ne peut donc s’en prévaloir et la cession ne peut être annulée sur ce fondement.

Alexandra SIX et Eléonore CATOIRE

 


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